🗣️ « Je n’ai pas trouvé l’IA très enthousiasmante. Jusqu’ici, je n’ai entendu parler que de son usage pour rédiger des textes ou d’autres tâches que les gens ne veulent pas faire eux-mêmes. Je ne suis pas encore convaincu que l’IA soit plus qu’un effet de mode, ni qu’elle tiendra ses promesses sur l’amélioration de nos vies. » (Enseignant interrogé par l’AACSB dans son enquête d’Octobre 2024)
🗣️ « Je considère que la GenAI a le potentiel de complètement transformer le processus d’enseignement et d’apprentissage, en répondant à de nombreuses préoccupations historiques sur l’enseignement supérieur. » (Doyen)
🗣️ « Cela me terrifie. J’aimerais que cela n’existe pas. Rien ne m’enthousiasme à son sujet. » (Enseignant, idem)
Ces trois citations reflètent bien des choses que j’ai largement entendues sur les deux dernières années. Pourtant il semblerait que l’IA générative (GenAI) s’impose progressivement dans l’enseignement supérieur, en particulier dans les écoles de commerce. Si les administrateurs y voient un levier stratégique de transformation pédagogique, les enseignants, eux, expriment des réticences face aux défis qu’elle pose en matière d’apprentissage, d’évaluation et d’éthique académique.
Cette analyse, basée sur les données de la dernière enquête de l’AACSB, est issue des perceptions des doyens et des enseignants ainsi que sur des verbatims recueillis auprès d’eux. Elle met en lumière les opportunités et les risques mais surtout les flagrantes inégalités d’utilisation dans le secteur à l’échelle mondiale ! Revue de détails sous quelques angles choisis.
Je n’ai pris que quelques points clés, mais le rapport complet est très intéressant à lire : GenAI Adoption in Business Schools: Deans and Faculty Respond.
1. Une adoption de la GenAI encouragée mais très inégale
Les différents graphiques analysés montrent une tendance globale à encourager l’intégration de l’IA générative (GenAI) dans les écoles de commerce. Toutefois, un écart significatif persiste entre les perceptions des doyens et celles des enseignants quant à son adoption et son application concrète.
Les doyens sont plus favorables à la transformation numérique
- 85 % des doyens estiment que l’IA/GenAI devrait être un sujet du programme contre 63 % des enseignants.
- 80 % encouragent son utilisation comme outil d’apprentissage, alors que seuls 55 % des enseignants sont alignés avec cette approche.
- 76 % des doyens soutiennent son intégration dans la conception des programmes, contre 51 % des enseignants.
Un soutien plus mitigé pour l’application concrète
- Seuls 49 % des doyens et 28 % des enseignants estiment que les étudiants devraient utiliser l’IA pour leurs devoirs, ce qui reflète une méfiance persistante sur l’impact de ces outils sur l’intégrité académique.
- 61 % des doyens pensent que l’IA devrait être un sujet central en recherche, contre 51 % des enseignants, un écart plus réduit qui indique une reconnaissance progressive de son potentiel académique.
- L’usage dans l’évaluation des apprentissages est particulièrement clivant : 62 % des doyens sont favorables, mais seuls 35 % des enseignants adhèrent à cette idée.
2. Une adoption différente au sein du corps enseignant
Le dernier graphique met en évidence un contraste intéressant entre la perception des doyens et des enseignants quant à l’adhésion réelle de ces derniers à l’IA :
- 51 % des doyens pensent que la majorité des enseignants adoptent l’IA, alors que seulement 39 % des enseignants eux-mêmes confirment cette adoption.
- Seuls 6 % des enseignants déclarent fortement adopter la GenAI, contre 17 % des doyens.
- À l’inverse, 18 % des enseignants expriment une certaine réticence, contre 12 % des doyens, indiquant une prudence plus marquée chez les enseignants.
Cet écart traduit un possible optimisme des doyens quant à l’engagement réel du corps professoral dans l’utilisation de l’IA. Il pourrait également signaler un besoin accru de formation et de sensibilisation auprès des enseignants pour faciliter l’appropriation de ces outils.
3. Des directions générales « GenAI » driven ? Oui, mais pas partout !
L’analyse des doyens les plus compétents en GenAI révèle des différences notables selon les régions. Dans la zone Europe, Moyen-Orient et Afrique (EMEA), 26 % des doyens déclarent un niveau de compétence avancé ou expert en IA générative, avec 22 % ayant une maîtrise avancée et 4 % (soit 3 répondants) se considérant comme experts. En comparaison, dans la région Asie-Pacifique, 10 % des doyens déclarent une maîtrise avancée, mais aucun ne se considère comme expert. Enfin, dans les Amériques, seulement 7 % des doyens affichent un niveau avancé, et comme en Asie-Pacifique, aucun ne se dit expert en GenAI.
Ces écarts de compétence se traduisent également dans les habitudes d’utilisation. Une majorité des doyens utilisateurs de GenAI (42 %) déclarent l’utiliser occasionnellement, soit quelques fois par mois, tandis que 31 % l’utilisent fréquemment, c’est-à-dire plusieurs fois par semaine. Cependant, seulement 6 % (14 sur 232 répondants) déclarent un usage quotidien. Les habitudes des utilisateurs occasionnels sont relativement homogènes à travers toutes les régions, mais des différences régionales apparaissent parmi les utilisateurs fréquents et peu fréquents. Les doyens en EMEA et Asie-Pacifique sont plus enclins à utiliser régulièrement la GenAI, alors que leurs homologues des Amériques déclarent une utilisation beaucoup plus rare de cette technologie.
Ces résultats montrent que l’adoption et la maîtrise de la GenAI varient fortement selon les régions, ce qui soulève des questions sur les différences de formation, d’accès aux ressources et de perception stratégique de l’IA générative dans l’enseignement supérieur.
4. A quoi sert la GenAI pour les Professeurs ?
4.1 La GenAI dans la pédagogie
Les usages les plus courants : exercices et tâches administratives
L’IA générative est surtout utilisée pour générer des exercices ou des études de cas ainsi que pour les tâches administratives, avec 25 % des enseignants déclarant les utiliser fréquemment ou quotidiennement. Cette tendance souligne le double avantage de la GenAI : d’un côté, elle permet d’automatiser des tâches chronophages, et de l’autre, elle facilite la création de supports pédagogiques dynamiques et interactifs.
Un recours croissant à l’IA pour la création de contenu
L’IA générative trouve aussi sa place dans la conception de cours et l’intégration de l’IA comme sujet dans les programmes, avec 57 % des enseignants utilisant ces outils au moins occasionnellement. Cela montre que les enseignants perçoivent l’IA comme un levier efficace pour enrichir leurs matériaux pédagogiques, en personnalisant les contenus et en facilitant l’accès à des ressources variées.
Une forte réticence pour l’évaluation et l’accompagnement des étudiants
À l’inverse, les évaluations des étudiants restent un domaine où l’IA peine à s’imposer, avec 39 % des enseignants déclarant ne jamais l’utiliser et seulement 12 % l’adoptant fréquemment. Cette prudence peut s’expliquer par des préoccupations liées à l’intégrité académique, la fiabilité des corrections automatisées et la difficulté à évaluer des compétences critiques avec l’IA.
De même, l’engagement et le soutien aux étudiants via l’IA sont encore peu explorés. 36 % des enseignants déclarent ne jamais utiliser l’IA pour la création de ressources d’apprentissage et 38 % ne l’emploient pas pour améliorer l’engagement des étudiants ou leur fournir un feedback personnalisé. Ces chiffres suggèrent une marge de progression, notamment dans le tutorat et l’accompagnement pédagogique, qui pourraient bénéficier d’une meilleure intégration des outils d’IA générative.
Une adoption encore loin d’être quotidienne
Enfin, l’analyse montre que l’usage quotidien de la GenAI reste exceptionnel dans toutes les catégories. Seuls 2 à 7 % des enseignants déclarent l’utiliser tous les jours, ce qui indique que l’IA générative est encore loin d’être un outil omniprésent dans l’enseignement supérieur.
4.2 La GenAI dans la recherche
Les usages les plus courants : rédaction et synthèse de la recherche
L’IA générative est principalement utilisée pour la rédaction et l’édition, avec 29 % des enseignants l’employant fréquemment ou quotidiennement, et seulement 16 % déclarant ne jamais l’utiliser. Ce chiffre reflète la manière dont la GenAI facilite l’amélioration de l’efficacité rédactionnelle et la production de contenus académiques.
De même, la synthèse de la recherche est une autre application populaire de l’IA générative, avec 21 % des enseignants l’utilisant fréquemment et 33 % occasionnellement. La capacité de la GenAI à condenser des informations complexes en résumés clairs et accessibles en fait un outil attractif, particulièrement utile pour vulgariser des concepts scientifiques ou préparer des revues de littérature.
Un recours limité pour les tâches analytiques et techniques
À l’inverse, l’IA est rarement employée pour des tâches plus techniques comme la collecte et l’analyse de données.
- 69 % des enseignants n’utilisent jamais la GenAI pour la collecte de données, et 52 % ne l’emploient pas pour l’analyse.
- L’utilisation fréquente pour l’analyse est extrêmement faible (7 %), et elle tombe à 4 % pour la collecte de données.
Cette prudence s’explique par des inquiétudes concernant la fiabilité, la précision et la sécurité des données générées ou traitées par l’IA. Dans des disciplines nécessitant une rigueur méthodologique stricte, les chercheurs semblent réticents à s’appuyer sur l’IA pour des analyses quantitatives ou des tâches où l’exactitude est critique.
Une adoption marginale pour la conception de recherche et la création multimédia
D’autres domaines montrent également un faible taux d’adoption :
- 46 % des enseignants ne recourent jamais à l’IA pour concevoir des projets de recherche.
- 47 % ne l’utilisent pas pour créer des supports multimédias (diapositives, visualisations, etc.), et seuls 11 % déclarent l’utiliser fréquemment pour cette tâche.
Cette réticence peut s’expliquer par un manque de formation sur la manière d’exploiter l’IA pour ces aspects ou par un scepticisme quant à sa valeur ajoutée dans la conception même d’une recherche scientifique.
Une adoption loin d’être quotidienne
Enfin, l’usage quotidien de la GenAI reste marginal dans toutes les activités de recherche. Il varie de 2 % à 7 %, la rédaction et l’édition affichant la fréquence la plus élevée (7 % de quotidien), tandis que la plupart des autres tâches ne dépassent pas 2 % de fréquence quotidienne. Cela montre que, bien que l’IA trouve sa place dans certaines pratiques académiques, elle reste là aussi encore loin d’être un outil centralisé dans la recherche universitaire.
5. A quoi sont encouragés les étudiants avec la GenAI ?
5.1. Une adoption majoritaire pour le brainstorming et l’assistance à l’écriture
Brainstorming : un usage universellement soutenu
L’activité la plus encouragée est l’utilisation de la GenAI pour générer des idées, avec 78 % des enseignants la soutenant au niveau global. Cette adoption est particulièrement forte en Amérique (82 %), en Asie-Pacifique (75 %) et en EMEA (74 %), traduisant une reconnaissance globale du rôle de l’IA dans la stimulation de la créativité et l’exploration de nouvelles perspectives.
Rédaction et édition : une forte disparité régionale
L’utilisation de la GenAI pour la rédaction et la révision de devoirs est soutenue par 49 % des enseignants au niveau mondial. Cependant, les différences régionales sont marquées :
- 58 % des enseignants en Amérique encouragent cet usage, contre 42 % en Asie-Pacifique et seulement 32 % en EMEA.
- Cette disparité reflète des divergences culturelles et pédagogiques dans l’intégration des outils d’IA en soutien à l’écriture académique.
5.2. Une adoption moyenne pour la recherche et la création visuelle
L’IA pour la recherche : un soutien croissant
L’usage de la GenAI pour la recherche documentaire et l’analyse d’informations est encouragé par 41 % des enseignants à l’échelle mondiale, une adoption qui reflète son potentiel dans la collecte et la synthèse de données. La région Asie-Pacifique affiche le taux de soutien le plus élevé (48 %), alors que les Amériques et l’EMEA sont légèrement en retrait (39 %).
Création de contenu multimédia : un intérêt plus fort en EMEA et Asie-Pacifique
L’usage de la GenAI pour créer des visualisations, diapositives et contenus multimédias est encouragé à 39 % au niveau mondial. Cependant, des différences régionales apparaissent :
- En EMEA (46 %) et en Asie-Pacifique (42 %), les enseignants sont plus favorables à cet usage.
- En revanche, seulement 35 % des enseignants en Amérique le soutiennent, ce qui pourrait indiquer une intégration plus limitée des outils d’IA dans les pratiques créatives des étudiants.
5.3. Des usages techniques encore marginalisés pour la GenAI
Traduction de langues : un besoin plus marqué en EMEA
L’un des écarts les plus significatifs concerne l’usage de la GenAI pour la traduction, avec 30 % de soutien globalement. Cependant, ce taux explose en EMEA (56 %), contre seulement 19 % en Amérique et 32 % en Asie-Pacifique.
- Cette forte adoption en EMEA peut s’expliquer par la diversité linguistique des salles de classe, où les outils de traduction sont indispensables pour faciliter l’accès à l’information et l’interaction entre étudiants internationaux.
Analyse de données et programmation : des usages encore peu encouragés
Les tâches techniques restent les moins soutenues par les enseignants :
- L’analyse de données est encouragée par seulement 31 % des enseignants à l’échelle mondiale.
- Le codage est encore moins soutenu (21 % de soutien globalement).
- Ces tendances reflètent une approche plus traditionnelle de l’enseignement des disciplines techniques, où les enseignants privilégient l’apprentissage des concepts fondamentaux et le développement des compétences manuelles plutôt que l’automatisation par l’IA.
5.4. Vers une adoption plus large de la GenAI
Malgré un soutien fort pour certaines activités comme le brainstorming et la rédaction, de nombreux domaines montrent encore un potentiel de croissance.
- L’écart dans l’adoption des outils de traduction suggère un besoin spécifique en EMEA, qui pourrait inspirer d’autres régions à exploiter davantage la GenAI pour l’internationalisation des études.
- L’hésitation des enseignants à encourager l’IA pour l’évaluation et les tâches techniques traduit des préoccupations sur la qualité des résultats, la compréhension des concepts et l’autonomie des étudiants. Cependant, avec des cadres pédagogiques adaptés, l’IA pourrait devenir un véritable levier pour l’apprentissage dans ces domaines.
6. Présence d’une politique institutionnelle sur la GenAI ? Laquelle ?
6.1. Un déploiement mondial encore limité
Au niveau global, seulement 47 % des écoles de commerce déclarent avoir une politique en place concernant l’IA générative, tandis que 45 % n’en ont pas et 8 % ne sont pas sûres de leur existence.
- Ce chiffre montre que moins de la moitié des établissements ont structuré une approche encadrée, ce qui soulève des questions sur la manière dont l’IA est intégrée dans l’enseignement et la recherche.
- L’incertitude de 8 % des répondants souligne un manque de communication interne sur ces politiques, ce qui pourrait indiquer une gouvernance encore floue sur le sujet.
6.2. Des différences régionales marquées
L’analyse par région montre des écarts significatifs dans l’adoption des politiques IA/GenAI :
✅ L’EMEA (Europe, Moyen-Orient et Afrique) est en avance
- 62 % des écoles de cette région ont mis en place une politique IA/GenAI, contre 37 % qui n’en ont pas.
- Ce chiffre peut s’expliquer par une réglementation plus stricte en matière d’IA et de protection des données (comme le RGPD en Europe), qui pousse les institutions à structurer un cadre d’utilisation clair.
🟡 L’Asie-Pacifique montre une adoption intermédiaire
- 51 % des écoles ont une politique IA, tandis que 33 % n’en ont pas et 15 % ne savent pas.
- L’incertitude plus élevée (15 % des répondants) pourrait signaler une hétérogénéité dans l’adoption des politiques, avec certains établissements intégrant rapidement ces cadres, tandis que d’autres restent en phase d’expérimentation.
🔴 Les Amériques sont en retard
- Seulement 36 % des écoles de commerce en Amérique du Nord et du Sud déclarent avoir une politique en place, alors que 53 % n’en ont pas.
- Cette absence de cadre officiel dans plus de la moitié des établissements est préoccupante, notamment dans un contexte où l’IA générative est de plus en plus utilisée par les étudiants et enseignants.
- De plus, 10 % des répondants ne savent pas si leur école a une politique IA, ce qui peut indiquer un manque de gouvernance centralisée et une absence de directives claires.
6.3 Quelles priorités dans la politique institutionnelle sur la GenAI ?
6.3.1. Une priorité accordée à l’éthique et à la protection des données
Les deux thématiques les plus couvertes par les politiques GenAI sont :
- L’usage éthique par les enseignants et le personnel (82 %) : Ce chiffre montre que la principale préoccupation des établissements est d’encadrer l’utilisation de l’IA pour garantir une intégrité académique et un usage responsable. Avec la montée des IA génératives, les écoles cherchent probablement à éviter les biais algorithmiques, les usages abusifs et les dérives académiques.
- La protection de la vie privée et des données (64 %) : L’IA manipulant d’importants volumes de données, la sécurité et la confidentialité des informations deviennent un enjeu central. Cela reflète aussi les exigences réglementaires en vigueur, notamment en Europe avec le RGPD.
L’intégration de l’IA dans l’enseignement et l’évaluation est une priorité forte également :
- L’usage de la GenAI dans l’enseignement et l’apprentissage (63 %) est un point central des politiques mises en place.
- L’évaluation académique (46 %) est aussi un enjeu, probablement en raison des risques liés à la triche et au plagiat génératif.
6.3.2. Des enjeux légaux et pédagogiques en second plan avec la GenAI
La propriété intellectuelle des contenus générés par IA (40 %) est un enjeu important mais moins priorisé que l’éthique et la confidentialité. Cela souligne une incertitude persistante sur la gestion des droits d’auteur en contexte académique.
Le design des programmes (36 %) est une préoccupation notable, mais qui reste en retrait. Cela montre que l’intégration de l’IA dans la structure des cursus est encore en phase exploratoire et que les écoles priorisent d’abord son usage dans l’enseignement avant de l’ancrer dans la refonte des programmes.
6.3.3. Un manque de focus sur la formation et l’infrastructure
Seulement 29 % des écoles incluent la formation des enseignants et du personnel dans leur politique IA et 24 % pour les étudiants. Cela signifie que la majorité des institutions n’ont pas encore formalisé de stratégie d’accompagnement pour que les enseignants et étudiants puissent exploiter pleinement l’IA.
Le suivi des technologies émergentes (21 %), la collaboration avec les fournisseurs d’IA (16 %) et l’amélioration des infrastructures (15 %) sont les axes les moins prioritaires. Cela suggère que les écoles ont encore une approche réactive plutôt que proactive vis-à-vis des évolutions technologiques de l’IA.
L’absence de formation et de mise à jour des infrastructures pourrait limiter l’adoption efficace de l’IA dans les écoles. Encadrer l’usage sans accompagner les utilisateurs risque d’entraver l’innovation et de creuser l’écart entre les politiques et la réalité pédagogique.
6.3.4 Un soutien et une formation très inégaux autour de la GenAI
Le graphique révèle que seule une minorité d’écoles de commerce impose une formation obligatoire à l’IA Générative (GenAI) pour les étudiants, les enseignants et les administrateurs, malgré l’essor rapide de ces technologies dans l’enseignement supérieur. À l’échelle mondiale, seulement 13 % des écoles exigent une formation pour les étudiants, 12 % pour les enseignants et 9 % pour les administrateurs, des chiffres qui témoignent d’une adoption encore timide.
Toutefois, des disparités régionales significatives sont visibles. L’Asie-Pacifique se distingue par une avance notable, avec 24 % des écoles imposant une formation aux étudiants et aux enseignants, et 22 % aux administrateurs. Cette dynamique peut être attribuée à une adoption plus rapide des innovations technologiques et à une culture éducative tournée vers le numérique. À l’inverse, les Amériques affichent les taux les plus bas, avec seulement 7 % des écoles formant leurs étudiants et 4 % leurs enseignants et administrateurs, indiquant une structuration plus lente des formations IA dans les établissements de cette région. L’EMEA (Europe, Moyen-Orient et Afrique) adopte une approche intermédiaire, avec 18 % des écoles formant les étudiants et les enseignants, et 11 % les administrateurs, probablement sous l’impulsion des cadres réglementaires européens tels que le RGPD et d’une attention particulière à l’éthique de l’IA.
Un point particulièrement préoccupant est le faible taux de formation obligatoire pour les administrateurs, qui sont pourtant responsables de la mise en place des politiques IA dans les établissements. Leur manque de formation pourrait ralentir la mise en place de cadres réglementaires adaptés et freiner une adoption efficace de l’IA dans l’enseignement supérieur.
Conclusion
L’essor de l’intelligence artificielle générative (GenAI) bouleverse l’enseignement supérieur, mais son adoption reste inégale et contrastée. Entre fractures géographiques, divergence de visions entre administrateurs et enseignants, et manque criant de formation, les écoles de commerce avancent en ordre dispersé.
Le premier constat est régional. Si l’Asie-Pacifique se positionne comme pionnière, avec des formations IA déjà intégrées dans les cursus et les pratiques pédagogiques, les Amériques affichent un retard préoccupant. À peine 7 % des écoles américaines imposent une formation IA aux étudiants, contre 24 % en Asie. L’Europe et le Moyen-Orient (EMEA) occupent une position intermédiaire, poussés par les exigences réglementaires comme le RGPD et une culture plus avancée de la protection des données. Dans ce paysage fragmenté, l’IA générative devient un marqueur de différenciation académique, avec des institutions qui prennent une longueur d’avance pendant que d’autres restent encore en phase d’observation.
Deuxième constat : si les administrateurs voient en l’IA un levier stratégique pour moderniser l’enseignement, les enseignants, eux, restent beaucoup plus prudents. 85 % des doyens souhaitent intégrer l’IA dans les contenus pédagogiques, mais les enseignants ne sont que 63 % à adhérer à cette idée. Là où les doyens perçoivent un outil pour gagner en compétitivité et en attractivité, les enseignants s’inquiètent des conséquences sur l’évaluation, la triche et la dépendance des étudiants aux outils d’IA. Cette fracture ralentit l’adoption et révèle un manque de dialogue entre ceux qui définissent la stratégie et ceux qui l’appliquent au quotidien.
Le troisième constat reste le manque de formation généralisé. Seulement 12 % des écoles imposent une formation IA aux enseignants, et à peine 9 % aux administrateurs, alors qu’ils sont les premiers à devoir structurer son intégration. Sans accompagnement, l’adoption risque de se faire de manière anarchique, avec des usages mal maîtrisés et des disparités importantes entre enseignants et étudiants. Encadrer une technologie sans former ses utilisateurs est une équation vouée à l’échec, et le monde académique semble encore hésiter sur la marche à suivre.
Dans ce contexte, NEOMA Business School fait partie des écoles à avoir structuré une véritable stratégie autour de l’IA Générative, loin des hésitations constatées ailleurs : l’école a mis en place une politique claire, qui encadre l’usage éthique de l’IA, son intégration dans les programmes et son impact sur l’évaluation. Contrairement aux tendances globales, NEOMA impose déjà des formations IA à ses enseignants (85% de notre faculté déjà formée) et étudiants (7200 étudiants depuis octobre 2023), afin de garantir une adoption responsable et maîtrisée. Mieux encore, l’IA est déjà intégrée dans les contenus pédagogiques (création d’un MSc AI for Business) et la réflexion académique, avec des chercheurs (avec des professeurs AI Champions) qui explorent les implications de ces technologies sur l’avenir de l’enseignement. Cette approche proactive permet à NEOMA de se positionner en leader sur ces sujets, à un moment où la majorité des écoles mondiales tâtonnent encore. Et on va aller encore plus loin…
A mettre en regard de l’impact de la GenAI sur le marché de l’emploi auquel nous préparons nos étudiants.