🎶 Quand les IA composent : la musique de demain sera (aussi) humaine

L’ère de la création musicale entre dans une phase de symbiose humaine – machine où l’intelligence artificielle (IA) n’est plus simple concurrente mais véritable partenaire de l’artiste. Mon approche, fondée sur des boucles itératives et rétroactives entre mélodie humaine et propositions IA génératives, trouve une évolution de complexité dans des projets tels que Quantum Groove Odyssey, mon single olympique Paris 2024, Ta Flamme Olympique et le nouvel EP sorti cette semaine : Nos flammes olympiques.

La création musicale évolue : l’IA se hisse au rang d’instrument, de laboratoire sonore et de sparring-partner créatif, et ne doit pas supplanter la singularité humaine ! Comme je peux le faire dans l’enseignement supérieur, je propose la recherche d’un bon équilibre et non d’un rejet de ces technologies dans le monde de la création.

L’IA comme outil créatif : parfois au centre, parfois en périphérie

Professeur, chercheur et entrepreneur en sound design et en innovation de rupture, j’ai abordé l’IA dans l’art (musique, image et vidéo) sans aucun préjugé, étant compositeur depuis plus de 25 ans. Aujourd’hui j’accorde aux IA une place importante dans ma démarche créative, tout en préservant mon âme de compositeur. Ma discographie – consultable sur Spotify, Apple Music, Deezer, Amazon Music, YouTube Music, et plus de 60 plateformes de streaming audio ! – illustre cette recherche d’hybridation en continu. Aujourd’hui cela donne quoi ?

Le titre de 2025 : Paris (2024), Ta flamme olympique revient a été composé avec de nombreux outils, dont l’IA, assez loin du cliché de « je prompt, donc je crée ».

Une méthode de dialogue humain – IA au service de la création musicale

Il est urgent d’arrêter de penser qu’avec un simple prompt le modèle IA de music gen va tout faire tout seul. Au contraire, la bonne démarche créative est bien de combiner, comme je l’indique dans mes conférences, IA + IB, c’est à dire l’intelligence artificielle avec l’intelligence biologique du compositeur. C’est pour illustrer cette démarche que j’ai créé cette nouvelle version de mon hymne non officiel qui a été écouté plus de 200 000 fois en un an.

Comment cela fonction ?

Départ humain : une ligne mélodique porteuse d’émotion et d’intention claire. Il n’y rien de mieux que de contraindre le modèle IA autour de quelque chose qui a été créé avec un vecteur émotionnel et une intention créative.
Multiples passages IA : grâce aux modèles génératifs (Suno, Udio), il est possible d’explorer en itérations rapides de nombreux arrangements et textures inédites pour « tordre » l’intention créative humaine dans tous les sens. Il est ensuite évidemment conseiller de s’arrêter sur une ou deux pistes qui « sortent du lot ». Là encore c’est le coeur de l’artiste qui doit décider.
Enrichissement humain : une fois la sélection de LA version qui semble le mieux correspondre à l’intention créative, vient la phase d’enrichissement et de réorchestration par l’artiste, garantissant choix esthétique et sensibilité. A ce stade, je n’avais pas encore pu bénéficier de la toute nouvelle option de séparation des pistes sonores. C’est donc sur une logique d’ajout et de mix / remix que j’ai fonctionné pour parvenir à mes fins. Une prochaine composition sera en utilisant la nouvelle possibilité de split des pistes audios.
Boucles créatives : en itérant entre les étapes 2 et 3 ici, on converge vers ce que j’appelle la résolution créative qui converge vers un équilibre fort entre propositions IA et retouches artistiques pour correspondre à l’intention créative.

En procédant ainsi, il est difficile de contester de l’intervention humaine dans le processus créatif, et au stade où en est le droit international sur le copyright, la création résultante peut bien en bénéficier.

Exemples concrets : point à date de mon exploration de la création musicale avec de l’IA

Avant d’arriver à l’EP « Nos flammes olympiques » en 2025, il y a eu une exploration de la place de l’IA dans la démarche musicale au fil des années. Voici les moments marquants et vous en retrouverez l’exhaustivité dans la discographie d’Alain Goudey.

Quantum Dance & Quantum Groove Odyssey – 2023

Quantum Dance et son pendant Quantum Groove Odyssey mêlent Eurodance 90’s et pop futuriste, construits à partir de « briques» générées par IA puis assemblées et nuancées par mes soins. En 2023, il n’y avait aucune possibilité de créer un morceau long. Il fallait recoller (stitcher) des blocs de 30 secondes maximum. Ces titres sont sortis d’un pari un peu fou lancé par des amis sur la capacité de créer de la musique avec de l’IA.

Paris 2024, Ta Flamme Olympique

C’est un single non-officiel des Jeux Olympiques de Paris 2024, que j’ai créé pour illustrer le procédé créatif dans mes conférences sur l’IA dans le monde professionnel. Au final, ce titre fédérateur a bénéficié d’une production accélérée grâce à l’IA et a rencontré un assez vif succès avec plus de 200 000 streams en un an. C’est ce qui m’a motivé pour poursuivre l’exploration de la place que pouvait prendre l’IA dans la création artistique et musicale.

Variations – 2024

Sur Variations, outre l’intention de « tirer » le modèle dans de nombreux recoins stylistiques, l’idée était aussi d’explorer la création de clip avec les générateurs de vidéo. Ainsi des morceaux comme Couleur Turquoise exploitent Runway Gen3 en clip visuel, démontrant comment l’IA enrichit l’imaginaire sans effacer l’empreinte de l’artiste.

France Music Week : un signal fort pour la filière et la French Touch

Annoncée par Emmanuel Macron en 2024, la première France Music Week se déroule du 16 au 21 juin 2025 à Paris, avec un sommet international au Palais Garnier. Le Président a souligné sur Radio FG son ambition de créer « un festival à l’échelle internationale » et de reconnaître les musiques électroniques comme patrimoine national « qui n’en sortiront plus ». Radio FG précise que Le Président de la République a également pris position sur l’intelligence artificielle, qu’il considère comme une « révolution » à embrasser avec responsabilité : « L’IA ne doit pas remplacer l’intelligence humaine. Elle ne doit pas banaliser la création. » Il a appelé à un modèle artist centric, assurant la transparence des outils IA et la protection des droits d’auteur.

Défendre une approche artist centric et une rémunération juste

Pour autant ma démarche exploratoire ne doit pas faire oublier qu’il subsiste de nombreux points à résoudre :

Transparence algorithmique : mentionner clairement l’usage de l’IA dans la création et l’entraînement des modèles
Partage équitable des revenus : consacrer une part des gains générés par les métadonnées IA aux auteurs originaux qui ont servi à « entraîner » les modèles. Sans transparence, ce point n’est guère possible.
Curation humaine : mixer recommandations algorithmiques et sélection éditoriale pour valoriser les vraies créations dans la réalisation de playlists
Protection de la paternité hybride : étendre le droit d’auteur pour couvrir la démarche mixte humain – IA. Il n’y aucune raison de ne pas pouvoir attribuer de propriété intellectuelle à une création réellement hybride. La notion de preuve doit aussi être travaillée. Les quelques outils qui existent ne sont-ils pas empreints des mêmes défauts que ceux de la détection IA pour les textes ?
Formation et accompagnement : intégrer l’IA dans les cursus musicaux pour outiller les artistes de demain et leur faire comprendre les avantages et inconvénients d’insérer de l’intelligence artificielle dans leur démarche créative.

Le débat ne devrait plus opposer humain et machine, mais co-construire un avenir musical où la technologie sert l’émotion et la créativité. La France, riche de son patrimoine et à la pointe de l’innovation, peut devenir leader mondial de la musique augmentée – à condition de mettre l’artiste au cœur de l’écosystème.

Et vous, professionnels de la musique, êtes-vous prêts à écrire cette nouvelle partition ?