Les technologies d’IA génératives sont en train de révolutionner de nombreux domaines, allant de la création de contenu à la conception de produits en passant par l’éducation. Les IA génératives utilisent des algorithmes de traitement automatique du langage et des réseaux de neurones pour générer automatiquement du contenu, des images, des vidéos, de la musique et même des objets physiques ! L’engouement ces dernières semaines autour de MidJourney, Dall-e ou encore ChatGPT ne va donc que s’amplifier : l’année 2023 sera celle des IA génératives.
Ce n’est pas les IA génératives qui vont remplacer les personnes sur certains métiers, mais plutôt les personnes qui savent bien utiliser les IA génératives…
En matière de texte, l’une des technologies d’IA génératives les plus avancées est ChatGPT, un modèle de traitement automatique du langage développé par OpenAI. ChatGPT est entraîné sur des grandes quantités de données textuelles provenant d’Internet, ce qui lui permet de comprendre et de générer du contenu « statistiquement cohérent » dans un grand nombre de domaines : les arts, les sciences, le management, la littérature, l’actualité, les célébrités et plus globalement tout le contenu absorbé via Internet jusqu’en novembre 2021. L’outil sera par construction moins performant sur des données récentes.
Comment fonctionne ChatGPT ?
ChatGPT (Generative Pre-trained Transformer) utilise des techniques de traitement automatique de la langue pour comprendre et générer du contenu en utilisant un réseau de neurones appelé Transformer. Cette démarche fut inventée par Google en 2017 et consiste en une architecture de réseaux de neurones qui permet un traitement plus large de données d’entrée. D’autres outils basés sur la même approche existent. Par exemple, Google a développé son propre outil qui s’appelle LaMDA (Language Model for Dialogue Application) et GPT-4 se fait largement attendre.
Ces outils fonctionnent en utilisant un processus d’entraînement automatique pour apprendre à générer du contenu à partir d’un grand ensemble de données textuelles (généralement publiquement disponible sur Internet). Ils utilisent un processus appelé pré-entraînement pour apprendre à « comprendre » et à générer du contenu à partir de ces données. La notion de compréhension est ici mise entre guillemets car l’IA ne comprend pas mais identifie des schémas de phrases qui sont récurrents pour pouvoir construire une réponse statistiquement pertinente et cohérente. Le texte élaboré n’a pas de sens pour la machine mais correspond à une réponse statistiquement pertinente à la question posée.
Lorsque les IA génératives sont utilisées pour générer du contenu, elles utilisent les informations « apprises » lors de son entraînement pour identifier le contexte d’une entrée donnée et générer une sortie appropriée car avec des schémas récurrents qui « sortent du lot » sur un plan plus mathématique, sur un très grand nombre de données. Ces outils utilisent des techniques de traitement automatique de la langue pour « comprendre » les mots et les phrases et utilisent des réseaux de neurones pour générer une sortie qui est logique et fluide.
ChatGPT utilise également des techniques de « complétion de texte » pour générer des réponses ou du contenu en utilisant un contexte donné, c’est-à-dire, il peut générer une phrase ou une réponse en utilisant un début de phrase ou une question comme point de départ. C’est ce que j’appelle « l’art du prompt » qui est essentiel dans toute IA générative : si la consigne est trop peu précise ou mal formulée, la réponse sera mécaniquement « stupide ».
L’art du prompt est essentiel dans toute IA générative : si la consigne est trop peu précise ou mal formulée, la réponse sera mécaniquement « stupide »..
ChatGPT et tous les autres sont des outils automatisés qui utilisent des données d’entraînement pour fonctionner, il est donc important de vérifier la qualité de la source des données d’entraînement pour s’assurer de la qualité de l’information générée, ce qui pour le moment n’est pas faisable.
Que sait faire ChatGPT et les autres IA génératives ?
ChatGPT ouvre de très grandes possibilités dans l’écriture de texte, l’exploration d’idées, le prototypage de code, la structuration de la pensée, etc. Voici ici quelques exemples des capacités de cet outil informatique qui a rassemblé plus d’un million d’utilisateurs en 5 jours (ce qui est le record de vitesse absolu d’adoption d’un outil numérique) :
La génération de texte : ChatGPT est capable de générer automatiquement du contenu à partir de données d’entraînement, comme des réponses à des questions, des résumés d’articles scientifiques, des paragraphes de contenu pour les supports de cours, des histoires, des articles, etc.
La compréhension du langage naturel : ChatGPT a été entraîné sur des grandes quantités de données textuelles, il est donc capable de comprendre et de générer du contenu dans un grand nombre de domaines, comme la science, la technologie, la médecine, l’économie, les relations internationales, etc. Ce contenu pouvant être contextualisé à travers le prompt. Il est donc possible de faire expliquer un concept complexe avec des mots pour un enfant de 10 ans par exemple.
Le dialogue : ChatGPT est donc capable de générer des réponses contextuelles dans un dialogue, cela permet de créer des chatbots, des assistants virtuels, etc. D’autant qu’il peut assimiler une dimension de mise en contexte et en situation, permettant de faire varier à l’infini l’évolution des échanges.
La synthèse vocale : ChatGPT peut également être utilisé pour générer automatiquement des scripts de synthèse vocale pour des applications comme les assistants vocaux, les applications de navigation, etc.
La complétion de texte : ChatGPT est capable de compléter automatiquement un texte ou une phrase, en utilisant le contexte de la phrase pour générer une suite logique à cette phrase. Idéal pour itérer sur une idée ou un texte.
La génération de code informatique : ChatGPT a la capacité à écrire du code informatique, tout à fait fonctionnel, dans de nombreux langages différents. Là aussi c’est très pertinent pour accompagner les développeurs en herbe (ou les plus chevronnés) dans leur exploration de la programmation (à la manière de GitHub Copilot pour ceux qui connaissent).
On le voit l’étendue des possibilités est déjà très vaste et ne devrait qu’augmenter avec le temps et la puissance de ces algorithmes de génération.
Quelle place alors pour ChatGPT dans l’enseignement ?
Des premiers usages de ChatGPT par les professeurs
Depuis quelques jours, de nombreux posts et articles s’alarment de l’utilisation de cette technologie dans l’enseignement pour tricher aux examens ou régler le sujet des devoirs à la maison. Alors, regardons déjà les aspects positifs. Oui, il y a plusieurs utilisations pertinentes de ChatGPT dans la pédagogie. En les regroupant par grandes thématiques, du côté des professeurs on trouve par exemple :
L’assistance pour l’apprentissage en ligne : ChatGPT peut être utilisé pour créer des tutoriels interactifs et des exercices d’auto-évaluation pour les étudiants, facilitant ainsi l’apprentissage à distance et permettant aux étudiants d’arriver en classe plus « entraînés » à manipuler des idées ou des concepts.
La génération de contenu : ChatGPT peut aussi être utilisé pour générer automatiquement des articles de synthèse, des résumés et des réponses à des questions, ce qui peut être utile pour les enseignants. Cela permet par exemple de faire travailler l’argumentation et l’approfondissement des idées, cela permet aussi de proposer de nombreux exemples ou idées à soumettre à la réflexion humaine (et développer le sens critique).
La correction automatique : ChatGPT va pouvoir corriger automatiquement les fautes d’orthographe et de grammaire dans les travaux des étudiants, ce qui peut faciliter le processus d’évaluation pour les enseignants. Idéal dans l’apprentissage des langues par exemple !
Le dialogue interactif : ChatGPT sait créer des dialogues interactifs avec les étudiants, permettant d’améliorer la compréhension orale et la capacité à communiquer à l’écrit des élèves en utilisant la langue souhaitée. Ainsi là aussi dans l’apprentissage des langues l’outil va se révéler particulièrement puissant ! C’est vrai aussi pour toute discipline qui requiert l’art du dialogue… c’est à dire beaucoup (métiers d’avocat, de médecins, de commerciaux, dans les ressources humaines, etc.).
La génération automatique de QCM ou d’examens : ChatGPT peut être utilisé pour générer automatiquement des questionnaires et des tests en utilisant les données de contenu sur un sujet spécifique. Rien de plus simple par exemple que de lui faire générer une dictée avec une liste de mots à faire apparaître.
Des usages positifs pour les étudiants
Les étudiants peuvent aussi utiliser ces IA génératives pour générer des contenus pertinents car l’outil va pouvoir les accompagner sur :
La synthèse d’articles : ChatGPT sait générer automatiquement des résumés d’articles scientifiques ou de recherche, ce qui peut aider les étudiants à comprendre les concepts clés d’un sujet de manière concise. Notamment via la reformulation à l’infini permise par la contextualisation de la donnée d’entrée. Par exemple : « explique moi la physique quantique comme Einstein l’aurait fait auprès d’un adolescent de 15 ans ».
La réponse à des questions : ChatGPT génère automatiquement des réponses à des questions sur un sujet donné, ce qui peut aider les étudiants à comprendre un concept ou une idée plus en profondeur. Cela leur permet aussi d’exercer leur esprit critique autour de la réponse apportée par l’outil (qui peut être fausse, ou seulement partiellement exacte).
La génération de contenu pour la création de support de cours : ChatGPT peut être aussi utilisé pour générer automatiquement des paragraphes de contenu pour les supports de cours, ce qui peut aider les étudiants à créer des fiches de révision par exemple… charge à eux de vérifier tout de même que ce qui est proposé correspond bien à ce qui a été enseigné dans le cours. C’est une méthode autre d’appropriation du contenu pédagogique.
La génération d’exemples concrets : ChatGPT peut proposer des exemples concrets d’application d’un concept ou d’une idée, ce qui peut aider les étudiants à mieux comprendre comment utiliser les connaissances en cours d’acquisition dans la vie réelle.
Toutefois, il est important de noter que pour que l’utilisation des IA génératives soit efficace en pédagogie, il faut que les instructions d’entrée soient claires et qu’il y ait un feedback du professeur pour s’assurer que les informations générées sont précises et appropriées pour l’apprentissage. Il est également important pour les étudiants de vérifier la qualité de la source des données d’entraînement pour s’assurer de la qualité de l’information générée. Autrement dit, il est important de savoir un peu ce qu’on fait et émerge ici un premier nouvel art qui est celui du « prompt pour les IA génératives ».
Existe-t-il un risque d’appauvrissement de la réflexion des étudiants ?
Si on regarde cette fois-ci l’aspect négatif de cette technologie, il est tout à fait possible qu’il y ait un risque d’appauvrissement du raisonnement des étudiants si l’utilisation de ChatGPT est mal gérée ou s’il est utilisé de manière inappropriée. Il est important de noter que c’est un outil qui peut aider les étudiants dans leur processus d’apprentissage mais ne peut pas remplacer l’enseignement d’un professeur ou la réflexion personnelle de l’étudiant. Car pour le coup, l’outil ne « pense » pas… et ne fait donc pas vraiment preuve de capacité de diagnostic critique.
Il est donc important de veiller à ce que l’utilisation de ChatGPT soit intégrée de manière à renforcer et non à remplacer le raisonnement des étudiants. Il est également important de veiller à ce que les étudiants ne se contentent pas de copier les réponses générées par ChatGPT, mais qu’ils les utilisent plutôt comme point de départ pour réfléchir à des réponses plus détaillées et plus complètes : c’est un moyen et non une fin !
Dans le cadre d’une telle utilisation, alors l’outil IA devient source d’une vraie augmentation de la qualité de la pédagogie. De manière plus détaillée, voici quelques conseils pour éviter l’appauvrissement du raisonnement des étudiants qui utilisent ChatGPT :
Encouragez la réflexion personnelle : Il est important d’encourager les étudiants à utiliser les réponses générées par ChatGPT comme point de départ pour réfléchir à des réponses plus détaillées et plus complètes. Les enseignants peuvent utiliser des techniques pédagogiques pour favoriser la réflexion personnelle des étudiants comme les débats, les études de cas, les projets de groupe, la translation d’un mode d’expression à un autre, etc.
Encouragez la collaboration et l’échange autour des idées : Il est important de permettre aux étudiants d’utiliser ChatGPT en collaboration avec un professeur ou un mentor qui peut les guider dans leur utilisation de l’outil et les aider à comprendre les limites et les meilleures pratiques pour l’utiliser efficacement dans leur processus d’apprentissage. L’enjeu étant davantage la formation que la note !
Utilisez ChatGPT de manière judicieuse : Il est important d’utiliser cet outil pour des tâches spécifiques où il peut être utile, comme la génération de contenu ou la correction automatique. Il est également important de vérifier la qualité de la source d’où proviennent les données d’entraînement pour s’assurer de la qualité de l’information générée.
Maintenez un équilibre entre l’utilisation de ChatGPT et d’autres méthodes d’apprentissage comme les cours magistraux, les exercices pratiques, les projets, les lectures, les débats, les présentations, etc.
Faites un feedback et des évaluations régulières : Il est important de vérifier régulièrement que les étudiants comprennent bien les concepts qu’ils ont appris, et de les évaluer de manière à s’assurer qu’ils démontrent une réflexion personnelle et une compréhension approfondie des sujets.
ChatGPT et les examens : des évolutions nécessaires à venir
Passer des évaluations de connaissances aux évaluations de compétences (la connaissance en action)
Il est possible que ChatGPT puisse réussir un examen en utilisant les informations qu’il a apprises à partir de données d’entraînement. Ces derniers jours, quelques publications ont largement fait état de cela. Faut-il alors changer l’examen ? Ma réponse est sans appel : OUI ! Si une IA peut réussir l’examen c’est que ce dernier fait davantage appel aux connaissances et pas assez aux compétences, à la mise en action, à la réflexion approfondie ou encore au diagnostic critique de l’étudiant. C’est peut être aussi que la grille d’évaluation n’est pas assez exigeante en survalorisant l’amorce d’une réflexion et non son aboutissement fin et détaillé (oui c’est un appel à monter le niveau d’exigence en réponse à cette aide technologique).
Si ChatGPT réussit l’examen, il faut changer l’examen !
En effet, une IA comme ChatGPT est un outil de traitement automatique de la langue basé sur des données et des algorithmes, il ne peut pas remplacer la compréhension humaine et la réflexion critique. Un examen qui a pour objectif d’évaluer les compétences et la réelle capacité des étudiants à mettre en action des concepts sera clairement moins mis en défaut par ce type d’outil.
Il est donc important de renforcer des méthodes d’évaluation qui évaluent les compétences clés que les étudiants doivent maîtriser pour réussir dans leur domaine, comme la compréhension des concepts, la capacité à résoudre des problèmes, la communication efficace et l’expression claire, la réflexion critique ou encore les raisonnements approfondis.
Dans un prochain article, nous approfondirons différentes techniques à destination des Professeurs pour « mieux gérer ChatGPT et les IA génératives » dans le contexte des examens.
Faut-il interdire ChatGPT dans l’éducation ?
Utiliser ChatGPT dans un examen peut être considérée comme une forme de triche. Il est donc important de communiquer clairement les règles et les conséquences liées à l’utilisation de ChatGPT ou tout autre outil de traitement automatique de la langue lors d’un examen. Sur ce point la vigilance des pédagogues est de mise. La clarté de la définition du plagiat l’est tout autant.
Il ne faut pas bannir les IA génératives de l’enseignement supérieur…
Pour autant je ne pense pas pertinent de bannir cet outil de l’enseignement supérieur car il est clair que 2023 va être l’année des IA génératives et que celles-ci vont bouleverser de très nombreux domaines économiques. Il est donc plutôt préférable de former les pédagogues, d’adapter les examens, de faire évoluer la pédagogie mais surtout d’accompagner les étudiants à apprivoiser ce nouvel art que nous avons appelé l’art du prompt afin d’en tirer le maximum de potentiel dans la formation, dans la réalisation de leurs projets et dans leur futur professionnel.
Par ailleurs, chercher à bannir un outil tel que celui-ci est en plus techniquement très compliqué (impossible ?) car il risque de se trouver encapsulé très prochainement dans de très nombreux outils plus compliqués à bannir. C’est probablement le sens de l’investissement de Microsoft dans OpenAI pour intégrer ChatGPT directement dans la suite Office.
Il est donc préférable de former les étudiants (et le corps enseignant) à la bonne utilisation de ChatGPT, car ce n’est pas les IA génératives qui vont remplacer certains métiers, mais plutôt les personnes qui savent bien manipuler et utiliser ces nouveaux outils. A nouveau, il serait bon que la France (et l’Europe) ne soit pas trop absente des innombrables usages à venir des IA génératives. Sur ce point je rejoins donc complètement la tribune d’hier de Gilles Babinet qui mentionne pour faire simple qu’OpenAI aurait pu (dû ?) être une société européenne… mais que ce n’est pas tant la difficulté technique que notre culture de l’innovation (et du risque) qui nous fait défaut.
C’est donc pour moi une nouvelle invitation, si cela était encore nécessaire, à amplifier le mouvement de transformation des pédagogies et des enseignements, dans le supérieur, mais aussi dans les cycles précédents.
Note aux lecteurs : cet article a été évidemment écrit en utilisant ChatGPT, mais aussi les IA Compose.AI, MidJourney pour l’illustration et Deezer pour l’ambiance musicale :-).