Prospective IA et compétences en 2030

Prospective sur l’impact des intelligences artificielles sur le monde du travail d’ici à 2030

Rédigé par Open AI ChatGPT o3-mini-high avec Deep Research, sous la supervision d’Alain Goudey (version .pdf)

Introduction

L’intelligence artificielle (IA) s’impose aujourd’hui comme un moteur majeur de transformation du travail. L’essor récent de l’IA générative (ex. ChatGPT en 2023) a popularisé ces technologies bien au-delà des seuls départements informatiques, suscitant espoirs et préoccupations. Les enjeux sont de taille : l’IA pourrait contribuer à hauteur de 15 700 milliards de dollars à l’économie mondiale d’ici 2030 (131 AI Statistics and Trends for (2024) | National University) en améliorant la productivité et en stimulant l’innovation dans tous les secteurs. En parallèle, son déploiement massif soulève des questions sur l’avenir de l’emploi et des compétences. Des estimations indiquent que les avancées en IA pourraient automatiser tout ou partie de l’équivalent de 300 millions d’emplois à temps plein dans le monde (The Potentially Large Effects of Artificial Intelligence on Economic …) Le défi consiste donc à maximiser les bénéfices (gains de productivité, création de nouveaux métiers…) tout en minimisant les effets négatifs (obsolescence de certains emplois, creusement des inégalités si les compétences ne suivent pas). Dans ce contexte, comprendre la transformation des compétences professionnelles induite par l’IA à un horizon de 5 ans est crucial pour les entreprises, les travailleurs et les décideurs publics.

Ce rapport propose une analyse globale et chiffrée de cette transformation des compétences. Nous commencerons par un état des lieux des tendances actuelles d’adoption de l’IA dans le monde professionnel, tous secteurs confondus. Nous examinerons ensuite l’impact de l’IA sur les compétences : quelles nouvelles compétences sont requises, quelles compétences deviennent obsolètes, et quels nouveaux métiers émergent (ex : prompt engineer, AI ethicist). Nous aborderons également la manière dont entreprises et travailleurs s’adaptent – formations, reconversions, initiatives publiques – ainsi que les implications pour l’éducation et la formation continue. Sur cette base, nous tracerons des projections à 5 ans (horizon 2028-2030) en envisageant différents scénarios et indicateurs de suivi (évolution de la demande de compétences IA, du marché du travail, etc.). Enfin, nous conclurons par des recommandations stratégiques pour anticiper et accompagner au mieux ces transformations inéluctables.

1. Tendances actuelles de l’IA dans le monde professionnel

Adoption de l’IA par secteur et investissements

L’intégration de l’IA dans le monde du travail s’accélère et s’étend à l’ensemble des secteurs d’activité, même si le niveau d’adoption varie encore selon les domaines. D’après une enquête mondiale de McKinsey en 2023, 55 % des entreprises déclarent avoir adopté l’IA dans au moins une fonction ou un département (The state of AI in 2023: Generative AI’s breakout year | McKinsey) Cependant, l’utilisation de l’IA reste souvent circonscrite : moins d’un tiers des entreprises l’ont déployée à l’échelle de plusieurs fonctions, ce qui suggère un potentiel encore largement inexploité (The state of AI in 2023: Generative AI’s breakout year | McKinsey) Les secteurs des technologies de l’information, des médias et des télécommunications font la course en tête, avec environ 63 % des organisations y utilisant l’IA, tandis que des secteurs industriels traditionnels comme l’automobile atteignent environ 44 % d’adoption (131 AI Statistics and Trends for (2024) | National University) En moyenne, on estime qu’en 2023 environ 35 % des entreprises dans le monde utilisaient déjà l’IA d’une manière ou d’une autre (131 AI Statistics and Trends for (2024) | National University) et plus des trois quarts explorent activement son utilisation future. Le tableau ci-dessous illustre cette adoption différenciée par secteur :

Secteur d’activitéTaux d’adoption de l’IA
Technologies de l’information et Télécoms63 % ([131 AI Statistics and Trends for (2024)
Industrie automobile44 % ([131 AI Statistics and Trends for (2024)
Moyenne toutes entreprises (monde)35% ([131 AI Statistics and Trends for (2024)

Parallèlement à l’adoption opérationnelle, les investissements dans l’IA connaissent une croissance exponentielle. Les dépenses mondiales en solutions d’intelligence artificielle sont passées de quelques dizaines de milliards de dollars il y a quelques années à des centaines de milliards aujourd’hui. En 2024, on projette environ 235 milliards de dollars de dépenses en IA, un chiffre qui devrait presque tripler pour dépasser 630 milliards en 2028 (soit un taux de croissance annuel composé d’environ 30 % sur la période) (A Deep Dive Into IDC’s Global AI and Generative AI Spending | IDC Blog) Cette envolée est portée par la conviction, partagée par 91 % des entreprises leaders, que l’IA est un investissement stratégique continu (131 AI Statistics and Trends for (2024) | National University) et un facteur clé de compétitivité. Les secteurs technologiques et financiers figurent parmi les plus gros investisseurs, mais toutes les industries augmentent leurs budgets IA, conscientes du risque de perte de compétitivité en cas d’inaction.

Ce dynamisme se reflète aussi dans la valorisation du marché : le secteur global de l’IA était estimé autour de 500 milliards de dollars en 2023, et pourrait atteindre entre 800 milliards et 1 000 milliards d’ici 2030 selon diverses projections. L’engouement pour l’IA générative depuis 2023 a d’ailleurs poussé de nombreuses entreprises à réévaluer à la hausse leurs investissements. 40 % des entreprises ayant déjà déployé l’IA prévoient d’augmenter encore leurs dépenses du fait des avancées en IA générative (The state of AI in 2023: Generative AI’s breakout year | McKinsey) et plus des deux tiers de l’ensemble des répondants anticipent une augmentation de leurs investissements IA dans les trois années à venir (The state of AI in 2023: Generative AI’s breakout year | McKinsey)

Cas d’usage les plus courants de l’IA dans le monde professionnel

En termes d’usage, l’IA se déploie à la fois dans des fonctions techniques et fonctionnelles. Les applications les plus répandues aujourd’hui touchent à la gestion de la relation client et au support utilisateur : environ 56 % des entreprises utilisent déjà l’IA pour améliorer leur service client (agents conversationnels, FAQ automatisées, etc.) (131 AI Statistics and Trends for (2024) | National University) La cybersécurité et la détection de fraude sont le second domaine d’application, cité par plus de la moitié des entreprises (51 %) (131 AI Statistics and Trends for (2024) | National University) – l’IA y sert à analyser des volumes massifs de logs et à identifier des anomalies plus rapidement que des humains. Viennent ensuite les assistants personnels numériques (47 % des entreprises les utilisent, par ex. filtrage de courriels ou automatisation de tâches administratives) (131 AI Statistics and Trends for (2024) | National University) la gestion de la relation client (CRM) elle-même (46 %) et la gestion des stocks (40 %) (131 AI Statistics and Trends for (2024) | National University)

En production industrielle, la robotique et la vision par ordinateur améliorées par IA optimisent les chaînes d’assemblage (maintenance prédictive, contrôle qualité automatisé). Dans la santé, l’IA aide au diagnostic (imagerie médicale augmentée, analyse de données patients) et à la découverte de médicaments. Dans la finance, elle automate la détection de fraudes, la notation de risque crédit, ou la gestion de portefeuilles. Chaque secteur trouve des cas d’usage spécifiques : par exemple dans l’agriculture, les systèmes d’IA pilotent l’irrigation de précision et la surveillance des cultures par drone.

Il convient de noter que les fonctions R&D, production et opérations sont parmi les premières bénéficiaires de l’IA dans l’entreprise. Le développement de produits/ services et les opérations support sont les fonctions où l’adoption de l’IA est la plus avancée d’après McKinsey (The state of AI in 2023: Generative AI’s breakout year | McKinsey) notamment dans les entreprises des technologies et télécoms (près de 44 % d’entre elles utilisent l’IA en développement produit, et ~36 % en opérations de service ou en marketing) () En revanche, dans des secteurs comme la santé ou les services juridiques, l’intégration de l’IA en est à des stades plus préliminaires. La portée de l’IA s’étend néanmoins rapidement : 79 % des professionnels interrogés fin 2023 affirment avoir au moins testé une solution d’IA générative dans leur travail ou en dehors (The state of AI in 2023: Generative AI’s breakout year | McKinsey) (The state of AI in 2023: Generative AI’s breakout year | McKinsey) preuve d’une démocratisation en cours des outils d’IA dans toutes les strates et métiers.

Premiers impacts observés sur la performance

Les entreprises pionnières de l’IA rapportent déjà des gains de performance notables. Plus de 23 % des entreprises indiquent que l’IA contribue à au moins 5 % de leur résultat d’exploitation (EBIT) annuel (The state of AI in 2023: Generative AI’s breakout year | McKinsey) ce qui, bien que minoritaire, démontre un impact financier concret pour les plus avancées (“AI high performers”). Les bénéfices les plus cités incluent l’amélioration de l’efficacité opérationnelle, la réduction des coûts et l’amélioration de la qualité (moins d’erreurs, meilleure personnalisation client). Par exemple, l’IA permet d’automatiser des tâches répétitives à faible valeur ajoutée, libérant du temps que les employés peuvent consacrer à des activités plus complexes ou à valeur ajoutée humaine (créativité, stratégie, relation client). Certaines organisations constatent également des augmentations de revenus dans les fonctions où l’IA est déployée, par l’identification de nouvelles opportunités (analyse prédictive du marché, recommandation de produits, etc.) (The state of AI in 2023: Generative AI’s breakout year | McKinsey)

Toutefois, ces retombées positives s’accompagnent d’importants défis de gestion. D’une part, la montée en puissance de l’IA met en lumière le problème des lacunes de compétences au sein des effectifs, sujet que nous détaillerons dans la section suivante. D’autre part, l’adoption de l’IA pose la question de la gestion des risques technologiques (biais algorithmiques, protection des données, fiabilité des modèles) : fin 2023, moins de la moitié des entreprises ayant recours à l’IA avaient mis en place des mesures pour atténuer les risques pourtant identifiés comme majeurs (ex : inexactitude des réponses d’une IA) (The state of AI in 2023: Generative AI’s breakout year | McKinsey) Cela souligne que beaucoup d’organisations en sont encore à un stade exploratoire et doivent professionnaliser leurs pratiques autour de l’IA. En résumé, l’état des lieux montre une intégration rapide mais hétérogène de l’IA dans le monde professionnel, et prépare le terrain aux transformations en profondeur des compétences que nous analysons ci-après.

2. Impact de l’IA sur les compétences professionnelles

L’essor de l’IA redessine le paysage des compétences requises sur le marché du travail. À l’horizon 5 ans, on anticipe de profondes mutations : de nouvelles compétences techniques deviennent indispensables, certaines compétences traditionnelles perdent de leur pertinence, et de nouveaux métiers apparaissent tandis que d’autres évoluent ou disparaissent. Selon le Forum économique mondial (WEF), près de 40 % des compétences de base des travailleurs devront changer d’ici 2027 pour s’adapter aux transformations technologiques et économiques en cours (WEF Future of Jobs Report 2025 reveals a net increase of 78 million jobs by 2030 and unprecedented demand for technology and GenAI skills  – Coursera Blog) Voici les principaux axes d’évolution des compétences induits par l’IA.

Nouvelles compétences requises à cause de l’IA dans le monde professionnel

1. Compétences techniques en IA et data : La diffusion de l’IA crée une forte demande de compétences techniques spécialisées. Les entreprises recherchent de plus en plus de spécialistes de la donnée et du machine learning : data scientists, data engineers, ingénieurs en apprentissage automatique, etc. D’après le WEF, les métiers liés à l’IA, au big data et au génie logiciel figurent parmi ceux à la croissance la plus rapide (5 things HR needs to know from WEF’s 2025 Future of Jobs Report | UNLEASH) Par exemple, le nombre d’emplois de Spécialiste Big Data ou Spécialiste en IA/ML devrait augmenter fortement (en pourcentage) d’ici 2027, bien plus vite que la moyenne des emplois classiques. Conséquence : la maîtrise des techniques d’apprentissage automatique, de la science des données, du cloud computing ou encore des outils d’IA générative devient un atout majeur. En 2023, 86 % des entreprises identifiaient l’IA (et les mégadonnées) comme la tendance technologique la plus susceptible de transformer leur activité dans les 5 ans (5 things HR needs to know from WEF’s 2025 Future of Jobs Report | UNLEASH) et ces mêmes domaines arrivent en tête des compétences à plus forte croissance de demande.

Par ailleurs, de nouvelles compétences techniques hybrides émergent à la frontière de plusieurs domaines. On parle par exemple de “prompt engineering” : l’art de dialoguer avec les IA génératives en concevant des requêtes (prompts) efficaces pour obtenir des résultats pertinents. Ce savoir-faire, quasi inexistant il y a quelques années, est désormais recherché par des entreprises qui souhaitent tirer le meilleur parti de modèles comme GPT. Des cours dédiés à l’écriture de prompts et à l’interaction avec les IA ont fleuri (Coursera note un engouement massif des apprenants pour des modules de prompt engineering ou de pratiques d’IA de confiance) (WEF Future of Jobs Report 2025 reveals a net increase of 78 million jobs by 2030 and unprecedented demand for technology and GenAI skills  – Coursera Blog) De même, la gestion de modèles d’IA (MLOps), c’est-à-dire la capacité à déployer, surveiller et maintenir des modèles en production, devient une compétence cruciale pour les ingénieurs et chefs de projet IT.

2. Compétences en éthique et gouvernance de l’IA : L’intégration de l’IA soulève des enjeux éthiques (biais algorithmique, transparence, respect de la vie privée) et de conformité réglementaire de plus en plus complexes. Les entreprises prennent conscience de la nécessité de développer des compétences en éthique de l’IA et en gouvernance algorithmique. De nouveaux rôles émergent, tels que “AI ethicist” (éthicien de l’IA) ou responsable de la gouvernance de l’IA, chargés d’établir des lignes directrices éthiques, d’auditer les algorithmes et de s’assurer de l’utilisation responsable de l’IA. Ces experts doivent maîtriser à la fois les aspects techniques de l’IA et les cadres juridiques/réglementaires, tout en ayant une solide formation en éthique. De plus en plus d’organisations forment des comités éthiques IA et investissent dans la formation de leurs employés aux principes d’IA responsable (équité, explicabilité, sécurité). Ainsi, des compétences transversales mêlant technologie et éthique seront fortement valorisées.

3. Compétences “fusion” : hybrider tech et soft skills. L’automatisation de nombreuses tâches par l’IA accentue la valeur relative des compétences humaines non automatisables et des compétences de collaboration homme-machine. Paradoxalement, plus la technologie progresse, plus des qualités comme la pensée analytique et la résolution de problèmes complexes sont prisées. En 2025, 7 employeurs sur 10 considèrent la pensée analytique comme une compétence essentielle de leur personnel (5 things HR needs to know from WEF’s 2025 Future of Jobs Report | UNLEASH) La capacité à traduire un problème métier en une question exploitable par l’IA, puis à interpréter et utiliser les résultats produits par la machine, devient primordiale. On attend des employés qu’ils développent une littératie data/IA minimale quel que soit leur domaine (comprendre ce que l’IA peut ou ne peut pas faire, savoir formuler des demandes pertinentes, vérifier la cohérence des outputs).

Par ailleurs, les fameuses soft skills conservent voire renforcent leur importance à l’ère de l’IA. Des qualités comme la résilience, l’adaptabilité, l’agilité d’apprentissage, ou encore le leadership et la communication demeurent très demandées (5 things HR needs to know from WEF’s 2025 Future of Jobs Report | UNLEASH) Face à des technologies en évolution rapide, les travailleurs doivent apprendre en continu, s’adapter à de nouveaux outils, et souvent travailler en équipe avec des spécialistes d’autres domaines. L’intelligence émotionnelle et les compétences relationnelles restent aussi cruciales pour les managers et collaborateurs, afin de maintenir cohésion et coopération dans des organisations de plus en plus numériques. En somme, la tendance est à une hybridation des compétences : combiner une bonne compréhension des technologies d’IA avec des compétences métier et humaines solides.

Obsolescence de certaines compétences et rôles

Si l’IA crée de nouveaux besoins, elle rende simultanément certaines compétences moins pertinentes. Les tâches routinières, prévisibles et basées sur des règles explicites sont de plus en plus assumées par des systèmes automatisés. Par conséquent, les compétences purement opérationnelles et répétitives risquent l’obsolescence. Par exemple, la simple maîtrise d’un logiciel de bureautique ou d’un processus administratif standard, qui suffisait autrefois à garantir un emploi de back-office, ne constitue plus un atout différenciateur lorsque des agents IA peuvent exécuter ces opérations plus rapidement.

Certaines professions intermédiaires sont directement menacées par l’automatisation si elles n’évoluent pas. On pense aux employés de saisie de données, dont le rôle se réduit à mesure que les formulaires en ligne et la reconnaissance automatique de documents se généralisent, ou aux agents de centre d’appel traitant des demandes simples, peu à peu suppléés par des chatbots intelligents. De même, dans le secteur bancaire, le métier de guichetier/caissier subit un déclin structurel : le Forum économique mondial projette que d’ici 2030, des rôles comme les employés de banque, de poste ou les caissiers pourraient connaître les plus fortes baisses en effectifs, du fait de la numérisation des services et de l’IA (World to add 170 million jobs by 2030, lose 92 million) Déjà, on constate une baisse marquée du nombre de guichetiers, avec par exemple une projection de -15 % d’emplois de caissiers de banque d’ici 2032 aux États-Unis (environ 50 000 postes en moins) (Bank Tellers Are Going Away. What’s Next? – TROY Group) De même, les employés administratifs et secrétaires font partie des métiers en déclin, car l’IA permet d’automatiser la préparation de documents, la planification ou d’autres tâches administratives autrefois chronophages.

Plus généralement, le cycle de vie des compétences se raccourcit à l’ère de l’IA. Selon le WEF, environ 39 % des compétences actuelles des travailleurs pourraient être perturbées ou devenir obsolètes d’ici 2027 (5 things HR needs to know from WEF’s 2025 Future of Jobs Report | UNLEASH) Ce chiffre illustre une accélération par rapport aux décennies précédentes. Les compétences techniques spécifiques apprises il y a 10 ans (par ex. programmation dans un langage aujourd’hui dépassé, ou méthode de reporting manuel) risquent de perdre de leur valeur si elles ne sont pas actualisées. La « durée de demi-vie » des compétences se réduit, obligeant chacun à se recycler plus fréquemment. La bonne nouvelle est que le rythme d’obsolescence semble se stabiliser après un pic autour de 2020 (où plus de la moitié des compétences de 2016 étaient déjà dépassées en 5 ans) (5 things HR needs to know from WEF’s 2025 Future of Jobs Report | UNLEASH) sans doute grâce aux efforts de formation entrepris récemment. Il n’en reste pas moins que de larges pans du travail peu qualifié ou strictement technique sont susceptibles d’être automatisés. Une étude de Goldman Sachs suggère que les trois quarts des tâches de routine (calculs, archivage, contrôle de conformité basique, etc.) pourraient être effectuées par des IA à terme (The Potentially Large Effects of Artificial Intelligence on Economic …) d’où la nécessité pour les personnes occupant ces postes d’élargir leur palette de compétences.

Il est important de noter que “obsolète” ne signifie pas que la compétence ou le métier disparaît totalement, mais qu’il évolue et se recentre sur ce qui ne peut être fait par la machine. Par exemple, la compétence de programmation informatique classique est en partie automatisée par des IA qui génèrent du code ; mais le développeur n’est pas éliminé pour autant – il doit plutôt se muer en “superviseur” du code généré, en testant, corrigeant et améliorant les suggestions de l’IA. Ainsi, même dans les domaines techniques, on observe une montée en abstraction : moins de temps à coder des fonctions triviales, plus de temps à concevoir l’architecture globale et les spécifications complexes. Les professionnels qui ne parviendront pas à monter en niveau (devenir “ai-enabled” ou “AI-augmented”) risquent de se retrouver en difficulté. D’où l’urgence, détaillée dans la section suivante, d’accompagner par la formation la transition des compétences.

Évolution des métiers et nouveaux rôles émergents

Chaque révolution technologique s’accompagne de la naissance de nouveaux métiers. L’IA ne fait pas exception, en créant des rôles qui n’existaient pas il y a quelques années, et en transformant profondément le contenu de nombreux postes.

Parmi les nouveaux métiers directement issus de l’IA, on peut citer :

  • Prompt engineer (ingénieur en requêtes IA) – Spécialiste de l’interaction avec les IA génératives, il conçoit des prompts optimaux pour obtenir des résultats pertinents des modèles. Ce rôle atypique, apparu avec la vague des IA conversationnelles, est déjà recherché par certaines entreprises technologiques et commence à figurer dans les offres d’emploi, avec à la clé des rémunérations attractives pour les profils capables de maîtriser ces nouveaux “dialogues homme-machine”.
  • AI ethicist (expert en éthique de l’IA) – Mentionné plus haut, il définit et applique la politique éthique en matière d’IA. Il travaille sur les questions de biais, d’équité, de transparence et de conformité réglementaire des systèmes d’IA. Des grands groupes (secteur finance, santé, etc.) ont d’ores et déjà recruté de tels profils pour encadrer leurs projets d’IA.
  • Data curator / data annotator – Même si l’apprentissage automatique automatise beaucoup de choses, il nécessite en amont des données de qualité. On voit se développer des métiers d’annotation de données (pour entraîner les modèles supervisés), ou de curation/organisation des données pour alimenter efficacement les algorithmes. Ces rôles peuvent être une évolution de postes existants (p. ex. un expert métier qui devient référent qualité des données dans son domaine).
  • Spécialiste en explicabilité de l’IA – Face aux “boîtes noires” que sont certains algorithmes (notamment deep learning), des experts travaillent à développer des méthodes et outils pour expliquer le fonctionnement des modèles et les résultats qu’ils produisent (on parle de XAI, eXplainable AI). Ce domaine de niche pourrait se structurer en rôle à part entière si les réglementations exigent de plus en plus de transparence.
  • Chef de projet IA / Consultant en transformation AI – Au-delà des techniciens, on observe le besoin de chefs de projet capables de piloter la transformation IA dans l’entreprise. Ils doivent comprendre les capacités de l’IA, identifier les cas d’usages pertinents, gérer les équipes mixtes (data scientists + experts métier), et conduire le changement (formation des utilisateurs, ajustement des processus). De nombreuses sociétés de conseil forment ainsi des consultants spécialisés en IA et transformation digitale, capables d’accompagner les clients dans l’adoption de ces technologies.

En plus de ces nouveaux intitulés, la plupart des métiers existants vont évoluer sous l’influence de l’IA. Plutôt que des remplacements “1 pour 1” (une IA prend la place d’un employé), on s’oriente vers des rôles augmentés par l’IA. Par exemple, le médecin de 2030 disposera d’outils d’IA pour affiner ses diagnostics ou choisir un traitement optimal, ce qui implique de nouvelles compétences à acquérir (lecture d’un rapport d’IA, questionnement des suggestions algorithmiques…) mais ne retire pas la dimension humaine de la décision médicale. De même, un analyste financier utilisera des IA pour la veille d’informations et la génération de rapports, et devra donc se concentrer sur l’interprétation stratégique des analyses plutôt que sur leur production brute. Un responsable marketing intégrera des systèmes d’IA pour segmenter la clientèle ou personnaliser les campagnes publicitaires, ce qui l’oblige à collaborer étroitement avec des data scientists et à comprendre les bases de ces outils.

En somme, nous assistons à une recomposition des métiers plutôt qu’à une simple destruction. Le WEF anticipe d’ailleurs que les créations d’emplois liées aux nouvelles technologies (IA, automatisation, transition verte) pourraient excéder les destructions : d’ici 2027, 69 millions de nouveaux emplois pourraient être créés dans le monde, tandis que 83 millions seraient supprimés, ce qui signifie une redistribution et une mobilité importantes sur le marché du travail (Future of Jobs Report 2023: Up to a Quarter of Jobs Expected to Change in Next Five Years – Career Design Lab | Columbia University – School of Professional Studies) Sur un horizon un peu plus lointain (2030), le bilan pourrait même redevenir positif avec un gain net d’emplois : +78 millions selon les prévisions 2025 du WEF (170 millions de créations pour 92 millions de destructions) (WEF Future of Jobs Report 2025 reveals a net increase of 78 million jobs by 2030 and unprecedented demand for technology and GenAI skills  – Coursera Blog) Ces projections optimistes ne se concrétiseront toutefois que si les travailleurs acquièrent les compétences nécessaires pour occuper ces nouveaux rôles – faute de quoi, on pourrait parallèlement connaître un chômage technologique pour les personnes dont les compétences ont perdu leur valeur. C’est pourquoi l’adaptation via la formation est un enjeu absolument central de la transition actuelle.

3. Adaptation des entreprises et des travailleurs

Face à la transformation rapide des compétences requises, les entreprises, les individus et les systèmes éducatifs doivent s’organiser activement pour combler le fossé des compétences (skills gap). Cette adaptation passe par des efforts massifs de formation, de reconversion professionnelle et d’évolution des curricula éducatifs. Nous examinons ici les principales initiatives en cours : comment les entreprises forment et requalifient leurs employés, quelles politiques publiques soutiennent ces transitions, et comment l’éducation initiale et continue évolue pour préparer la main-d’œuvre de demain.

Formation et reconversion professionnelle en entreprise

La grande majorité des organisations ont désormais conscience que l’investissement dans les compétences humaines est indissociable de l’investissement technologique. Une enquête mondiale récente révèle que les lacunes de compétences sont le principal frein à la transformation des entreprises pour 63 % des employeurs interrogés (WEF Future of Jobs Report 2025 reveals a net increase of 78 million jobs by 2030 and unprecedented demand for technology and GenAI skills  – Coursera Blog) En réponse, les entreprises multiplient les initiatives de formation interne et d’upskilling/reskilling de leurs employés. Le Forum économique mondial indique ainsi que 85 % des employeurs planifient des programmes d’amélioration ou de reconversion des compétences de leur personnel dans les années à venir (WEF Future of Jobs Report 2025 reveals a net increase of 78 million jobs by 2030 and unprecedented demand for technology and GenAI skills  – Coursera Blog) Notamment, 80 % des entreprises prévoient de former spécifiquement leurs collaborateurs à l’utilisation de l’IA (outils, méthodes) afin de diffuser ces nouvelles compétences largement dans l’organisation (WEF Future of Jobs Report 2025 reveals a net increase of 78 million jobs by 2030 and unprecedented demand for technology and GenAI skills  – Coursera Blog)

Concrètement, de grandes entreprises ont annoncé des investissements dédiés à la formation sur l’IA. Par exemple, PwC (PricewaterhouseCoopers) aux États-Unis investit 1 milliard de dollars sur 3 ans pour développer ses capacités en IA et former l’ensemble de ses 65 000 employés aux outils et compétences en IA (PwC US investit 1 milliard de dollars pour développer ses capacités …) De même, PwC Suisse a annoncé 50 millions de CHF d’investissement incluant un fort volet de formation continue en IA pour ses effectifs (PWC Suisse investit 50 millions pour doper ses compétences en IA) D’autres multinationales comme IBM ont lancé des académies internes d’IA ou des partenariats avec des institutions éducatives pour certifier leurs employés (par ex. l’initiative IBM SkillsBuild visant à former 30 millions de personnes aux technologies du futur d’ici 2030). Amazon a également investi près de 700 millions de dollars dans un plan (Upskilling 2025) pour requalifier un tiers de sa main-d’œuvre américaine vers des métiers plus techniques, incluant la data et l’IA. Ces exemples illustrent une tendance de fond : au lieu de seulement recruter des talents externes (pratique vite coûteuse et insuffisante face à la pénurie), les entreprises cherchent à requalifier leurs salariés existants. Cette stratégie présente le double avantage de préparer l’avenir et de renforcer l’engagement des employés (qui voient l’entreprise investir en eux).

En interne, les modalités de formation se diversifient : cours en ligne (MOOC), bootcamps intensifs, programmes de mentorat, rotations de poste pour apprendre sur le tas, etc. Selon le WEF, déjà 50 % des travailleurs ont suivi une formation en 2025, en hausse par rapport à 41 % en 2023 (5 things HR needs to know from WEF’s 2025 Future of Jobs Report | UNLEASH) – signe que l’effort de montée en compétences est bien engagé. Des entreprises organisent des “journées de l’IA” ou des hackathons internes pour acculturer l’ensemble des équipes aux outils IA. On voit émerger le rôle de Chief Learning Officer dont la mission est précisément de piloter la stratégie de formation continue en lien avec la transformation numérique. Malgré tout, un défi demeure : identifier quelles personnes former en priorité et à quelles compétences. Certaines études estiment que sur 100 travailleurs, 59 auront besoin d’une forme de requalification ou d’approfondissement de compétences d’ici 2030 (5 things HR needs to know from WEF’s 2025 Future of Jobs Report | UNLEASH) (dont 19 via une reconversion complète vers un autre rôle). Il faut donc établir des plans de formation ciblés, et s’assurer que ces formations aboutissent à des emplois qualifiants.

Notons aussi que la formation ne suffit pas toujours si certains emplois deviennent redondants. Environ 40 % des employeurs mondiaux envisagent de réduire leurs effectifs dans les domaines où l’IA permettra l’automatisation (WEF Future of Jobs Report 2025 reveals a net increase of 78 million jobs by 2030 and unprecedented demand for technology and GenAI skills  – Coursera Blog) Pour ces entreprises, la responsabilité sociale implique d’accompagner les départs via des reconversions vers d’autres secteurs en tension. Des partenariats inter-entreprises ou avec des organismes publics peuvent aider à “transférer” des travailleurs d’un métier en déclin vers un métier émergent, grâce à des cursus courts de certification. Par exemple, une grande banque pourrait financer la reconversion d’une partie de ses agents administratifs en techniciens du support informatique ou en analystes de données, en collaboration avec des centres de formation. De même, les gouvernements mettent en place des programmes de reconversion assistée pour les métiers menacés par l’automatisation (plans de formation subventionnée, aide financière pendant la reprise d’études, etc.). L’objectif est d’éviter que la transformation technologique ne se traduise par du chômage de masse, en redéployant les compétences là où elles sont nécessaires.

Politiques publiques et initiatives collectives

Les pouvoirs publics, conscients de l’enjeu, lancent des initiatives d’ampleur pour favoriser l’acquisition de compétences liées à l’IA. Au niveau international, le Forum économique mondial a initié en 2020 la campagne “Reskilling Revolution” qui vise à requalifier 1 milliard de personnes d’ici 2030 aux compétences de demain (By 2030 we will need to reskill one billion people – The Adecco Group) Ce type d’initiative, soutenue par des gouvernements, entreprises et ONG, cherche à mutualiser les efforts pour offrir des formations accessibles à grande échelle. Concrètement, cela passe par des plateformes en ligne gratuites, des subventions pour la formation professionnelle, ou encore l’intégration de modules sur l’IA dans les cursus scolaires. Par exemple, plusieurs pays européens (Finlande, France, etc.) ont mis en ligne des cours d’introduction à l’IA gratuits pour tous (Finland’s Elements of AI, initiative Objectif IA en France). L’Union européenne a désigné 2023 “Année européenne des compétences”, avec un accent particulier sur les compétences numériques et l’IA, encouragant les États membres à investir dans la formation. On observe ainsi la multiplication de bootcamps intensifs soutenus par des fonds publics pour former en quelques mois des développeurs IA, des analystes data ou des techniciens en cybersécurité.

Les systèmes éducatifs commencent également à adapter leurs programmes. Dans l’enseignement supérieur, les formations en science des données, intelligence artificielle et robotique ont explosé en popularité. De nombreuses universités ont créé des cursus spécialisés (Masters IA) ou intégré davantage d’informatique et de data science dans des filières plus classiques (management, finance, ingénierie). On encourage les approches pluridisciplinaires : par exemple, un étudiant en médecine pourra suivre des modules d’IA en santé, un juriste apprendre les bases de l’algorithmique pour comprendre les enjeux de droit du numérique, etc. Au niveau de la formation continue, les plateformes de e-learning jouent un rôle crucial. Les données de Coursera indiquent une forte hausse des inscriptions aux cours liés à l’IA : sur 7,4 millions d’inscriptions liées à l’IA en 2024, 3,2 millions concernaient spécifiquement des formations en IA générative, soit six inscriptions par minute en moyenne sur ces contenus (trois fois plus qu’en 2023) (WEF Future of Jobs Report 2025 reveals a net increase of 78 million jobs by 2030 and unprecedented demand for technology and GenAI skills  – Coursera Blog) Cela reflète l’appétit des actifs pour se former rapidement aux dernières technologies. Les employeurs encouragent souvent ces démarches, via par exemple le financement de certifications professionnelles (Nanodegrees, certificats Coursera/edX, etc.) ou en libérant du temps pour que les employés se forment.

Enfin, notons que certains pays intègrent dès le secondaire des notions d’IA et de code afin de préparer tous les futurs travailleurs, pas seulement les ingénieurs. L’idée est d’élever le niveau moyen de littératie numérique de la population active, pour qu’elle soit plus adaptable et résiliente face aux changements. Des initiatives locales, comme des écoles d’été en IA pour lycéennes (ex: en Île-de-France ([PDF] Intelligence artificielle Île-de-France) , visent aussi à élargir la diversité des talents se dirigeant vers les métiers technologiques et réduire la fracture de genre dans ces secteurs.

Malgré ces efforts, des défis importants subsistent. D’une part, il faut s’assurer que les formations offertes correspondent bien aux besoins du marché du travail (éviter de former massivement dans un domaine déjà saturé tout en négligeant d’autres pénuries). Une coordination entre acteurs économiques et éducatifs est nécessaire, via par exemple des observatoires des compétences ou des partenariats entreprise-université. D’autre part, la motivation et la capacité d’apprentissage des individus varient : tous les travailleurs ne sont pas prêts ou aptes à se reconvertir rapidement. Un accompagnement personnalisé, une orientation professionnelle et un soutien continu sont indispensables, en particulier pour les publics vulnérables peu qualifiés.

En somme, l’adaptation des compétences au défi de l’IA est en marche, mais elle doit s’amplifier encore pour tenir le rythme imposé par la technologie. La section suivante sur les projections à 5 ans montrera l’ampleur de la tâche qui nous attend d’ici 2028 et au-delà.

4. Projections à 5 ans : compétences et emploi à l’ère de l’IA

À quoi pourrait ressembler le paysage des compétences professionnelles en 2028-2030, sous l’effet continu de l’intelligence artificielle ? Bien sûr, nul ne peut prédire avec certitude l’avenir, mais les tendances actuelles permettent d’esquisser plusieurs scénarios plausibles à un horizon de cinq ans. Globalement, ces projections suggèrent une évolution rapide de la demande de compétences et une reconfiguration du marché du travail, avec à la clé d’importants besoins d’adaptation. Voici quelques éléments clés attendus d’ici cinq ans :

  • Une adoption quasi-généralisée de l’IA dans les entreprises : D’ici 2028, on peut s’attendre à ce que la majorité des entreprises dans chaque secteur aient intégré au moins une forme d’IA dans leurs processus. Les enquêtes indiquent déjà qu’en 2024, 77 % des entreprises dans le monde utilisent ou explorent l’IA (131 AI Statistics and Trends for (2024) | National University) D’ici cinq ans, l’IA ne sera plus l’apanage des innovateurs précurseurs, elle fera partie du courant dominant (mainstream). Cela signifie que les compétences associées (maîtriser les outils d’IA, interpréter des analyses automatisées, collaborer avec des systèmes intelligents) deviendront indispensables pour une large part des travailleurs, bien au-delà des seuls métiers informatiques. De même, les investissements massifs réalisés aujourd’hui devraient porter leurs fruits : on peut anticiper une augmentation de la productivité globale grâce à l’IA, possiblement +1,5 point de croissance annuelle de la productivité du travail sur la décennie (131 AI Statistics and Trends for (2024) | National University) ce qui pourrait se traduire par une croissance économique supplémentaire et donc potentiellement des créations d’emplois indirectes.
  • Un marché de l’emploi en profonde mutation, mais un solde possiblement positif : Les scénarios à 5 ans intègrent à la fois des pertes et des gains d’emplois liés à l’IA. Les chiffres du WEF évoqués précédemment (23 % des emplois transformés d’ici 2027, avec 83 millions de pertes pour 69 millions de gains (Future of Jobs Report 2023: Up to a Quarter of Jobs Expected to Change in Next Five Years – Career Design Lab | Columbia University – School of Professional Studies) suggèrent un churn important. Sur un horizon un peu plus long, le solde pourrait redevenir positif (+78 millions d’emplois nets d’ici 2030) (WEF Future of Jobs Report 2025 reveals a net increase of 78 million jobs by 2030 and unprecedented demand for technology and GenAI skills  – Coursera Blog) Autrement dit, l’IA éliminera certains emplois actuels, mais en créera d’autres que nous commençons tout juste à voir apparaître. Par exemple, les emplois très répétitifs dans l’administration, la comptabilité de base, la production manufacturière ou certains services clients pourraient diminuer fortement en nombre. À l’inverse, on observera une hausse des postes liés au développement et à la maintenance des systèmes d’IA, mais aussi des postes dans des domaines complémentant l’IA (les “human in the loop” qui surveillent et affinent les systèmes automatisés).

L’effet net variera selon les secteurs : ceux qui tardent à adopter l’IA pourraient perdre des parts de marché et des emplois, tandis que ceux qui surfent sur la vague de l’IA pourraient accroître leur activité et embaucher. Au niveau géographique, des disparités régionales sont probables, les économies les plus avancées technologiquement pouvant concentrer une partie des nouveaux emplois qualifiés, tandis que les régions à main-d’œuvre bon marché pourraient souffrir de l’automatisation de tâches qui leur étaient auparavant externalisées.

  • Des compétences techniques très prisées, parfois pénuriques : La demande en compétences IA va continuer de croître à un rythme élevé. On estime par exemple que les offres d’emploi liées à l’IA augmentent déjà 3,5 fois plus vite que la moyenne des autres emplois (PwC 2024 Global AI Jobs Barometer) et cette accélération devrait se poursuivre. Certains indicateurs frappants illustrent cette explosion : Indeed.com a rapporté une augmentation de 75x du nombre d’offres d’emploi mentionnant l’IA générative entre avril 2022 et avril 2024 (Generative AI job postings increase tenfold in the past year) Si cette tendance se maintient, les spécialistes de l’IA seront parmi les profils les plus recherchés du marché en 2028, rendant crucial le développement de ces talents. On peut prévoir une pénurie persistante de compétences pointues en data science/IA, avec une concurrence mondiale pour attirer les meilleurs éléments (d’où l’importance des politiques de formation locales pour créer ces compétences en interne).

Au-delà des spécialistes, de plus en plus de professions « conventionnelles » exigeront des compétences techniques de base en IA. Par exemple, un marketeur devra savoir utiliser des outils d’analyse prédictive, un juriste connaître les rudiments des algorithmes d’IA dans son domaine (p. ex. pour l’analyse de contrats), un journaliste maîtriser la vérification assistée par IA, etc. L’IA devient ubiquitaire et les offres d’emploi exigeront souvent une “familiarité avec les outils d’IA” comme prérequis, tout comme la maîtrise d’Internet et de Microsoft Office est devenue incontournable dans les années 2000.

  • Vers un travail augmenté par l’IA : la collaboration homme-machine généralisée – En 2023, les entreprises estimaient qu’environ 47 % des tâches de travail étaient accomplies par des humains seuls, 22 % par des machines/algorithmes seuls, et le reste (30 %) par une combinaison des deux (5 things HR needs to know from WEF’s 2025 Future of Jobs Report | UNLEASH) D’ici 5 ans, les projections envisagent une répartition quasiment égalitaire des tâches entre travailleurs humains, intelligences artificielles et modes hybrides collaboratifs (5 things HR needs to know from WEF’s 2025 Future of Jobs Report | UNLEASH) Cela signifie que la plupart des salariés travailleront aux côtés d’IA intégrées dans leurs outils quotidiens. Le concept d’intelligence augmentée prendra tout son sens : plutôt que de remplacer l’humain, l’IA l’épaulera en temps réel (suggestions de réponses, automatisation de sous-tâches, surveillance d’erreurs, etc.).

Dans ce contexte, le cœur des compétences humaines sera de savoir coopérer efficacement avec les systèmes d’IA. Par exemple, savoir déléguer intelligemment certaines tâches à l’IA, tout en sachant reprendre la main quand c’est nécessaire (cas non standards, décisions éthiques, interactions humaines). Les entreprises les plus performantes seront probablement celles qui arriveront à concevoir une organisation du travail optimisant cette symbiose homme-machine – ce que le WEF appelle une approche d’“augmentation” plutôt que de remplacement (5 things HR needs to know from WEF’s 2025 Future of Jobs Report | UNLEASH) Les indicateurs à suivre seront, par exemple, la part de postes de travail équipés d’assistants IA, le taux d’adoption effective de ces outils par les employés, ou encore la productivité relative des équipes utilisant l’IA vs. celles ne l’utilisant pas.

  • L’importance accrue des compétences humaines et métacompétences : Plus l’IA assumera de tâches de calcul, de tri d’information et d’exécution mécanique, plus la valeur ajoutée humaine se concentrera sur les tâches créatives, relationnelles et stratégiques. On anticipe donc qu’à horizon 5 ans, les soft skills seront toujours très demandées, voire davantage. Des compétences comme la créativité, la capacité à apprendre à apprendre, la pensée critique, la communication avancée ou la gestion du changement deviendront des critères de recrutement tout aussi importants que les compétences techniques. D’après le WEF, la pensée analytique, la flexibilité, le leadership ou l’empathie feront toujours partie du top 10 des compétences clés en 2027 (5 things HR needs to know from WEF’s 2025 Future of Jobs Report | UNLEASH) En effet, même avec des IA très développées, il faudra des humains pour comprendre les besoins d’autres humains, inventer de nouvelles idées, arbitrer des décisions touchant à l’éthique ou aux préférences subjectives, etc.

On pourrait assister à une sorte de polarisation des compétences : les machines occupant l’espace des compétences moyennes (exécution standardisée, analyse de données massive), les humains devront exceller soit dans le très haut niveau technique (concevoir les IA, les réguler, les améliorer), soit dans le très haut niveau humain (innovation, relations interpersonnelles, polyvalence culturelle). Idéalement, combiner un peu des deux fera les profils les plus prisés (d’où l’hybridation évoquée précédemment). Cette projection implique que les systèmes de formation mettent autant l’accent sur les matières STEM (science, techno, maths) que sur le développement des compétences cognitives et sociales des apprenants.

En résumé, les cinq prochaines années verront une intensification de la transformation déjà à l’œuvre : plus d’IA partout, donc des compétences en perpétuelle évolution. Un indicateur global comme l’indice d’instabilité des compétences (mesuré par le WEF) restera élevé, même s’il pourrait se stabiliser autour de 40 % (il était de 44 % en 2023 et devrait se maintenir proche de ce niveau) (5 things HR needs to know from WEF’s 2025 Future of Jobs Report | UNLEASH) Cela signifie qu’en moyenne presque la moitié des compétences d’aujourd’hui devront être renouvelées d’ici 5 ans – un véritable défi sociétal.

Les scénarios décrits supposent que les acteurs prennent les mesures pour adapter les compétences à temps. En cas d’inaction, le risque serait une augmentation du chômage technologique et des difficultés pour les entreprises à trouver les talents appropriés, ce qui freinerait l’adoption de l’IA et la croissance. À l’inverse, avec une adaptation réussie, on peut imaginer un cercle vertueux où l’IA booste la productivité, créant de la richesse pour investir encore plus dans le capital humain, et ainsi de suite. La différence entre ces scénarios dépend largement des stratégies mises en place dès aujourd’hui, ce qui nous amène à formuler des recommandations.

5. Conclusion et recommandations

La transformation des compétences professionnelles sous l’effet de l’intelligence artificielle est un phénomène inéluctable et déjà bien entamé. D’ici cinq ans, tous les secteurs d’activité seront touchés à des degrés divers, imposant aux organisations et aux individus une adaptation continue. Cette transformation s’accompagne d’opportunités considérables – augmentation de la productivité, nouveaux métiers passionnants, amélioration potentielle des conditions de travail par l’automatisation des tâches pénibles – mais aussi de défis redoutables – risque de déclassement pour ceux qui ne se forment pas, pénurie de talents qualifiés en IA, nécessité de repenser en profondeur l’éducation et la formation professionnelle.

Pour anticiper et accompagner au mieux ces mutations, voici quelques recommandations stratégiques :

1. Investir massivement dans la formation et le développement des compétences : C’est la priorité numéro un. Les entreprises doivent considérer la formation comme un investissement stratégique au même titre que la R&D technologique. Il s’agit de bâtir une véritable culture de l’apprentissage continu au sein des organisations. Concrètement, cela passe par l’allocation de budgets récurrents pour la montée en compétence, la mise en place de plans de formation personnalisés, et l’incitation des employés à se former (temps dédié sur le temps de travail, valorisation des nouvelles compétences acquises, etc.). Pour les gouvernements, il est crucial de soutenir ces efforts via des incitations fiscales, des subventions à la formation, et en assurant l’accessibilité de la formation pour les PME et les travailleurs indépendants. L’objectif doit être d’éviter le scénario où 40 % des travailleurs se retrouvent avec des compétences périmées sans solution de reconversion (5 things HR needs to know from WEF’s 2025 Future of Jobs Report | UNLEASH) Au contraire, chaque travailleur dont le métier est menacé devrait avoir accès à un parcours de requalification vers des métiers en croissance.

2. Renforcer les partenariats entre entreprises, organismes de formation et pouvoirs publics : La vitesse du changement est telle qu’aucun acteur ne peut agir en silo. Il faut créer des écosystèmes de compétences locaux ou sectoriels. Par exemple, des branches professionnelles pourraient identifier ensemble leurs besoins futurs en compétences IA et co-construire avec des universités des cursus adaptés (en alternance, en formation continue certifiante, etc.). Les pouvoirs publics peuvent faciliter ces alliances en réunissant les parties prenantes et en finançant des programmes pilotes. Des coalitions autour de la “Reskilling Revolution” du WEF (By 2030 we will need to reskill one billion people – The Adecco Group) ou des pactes nationaux pour les compétences numériques, sont des modèles à suivre. Le suivi d’indicateurs partagés (taux d’emplois vacants faute de compétences disponibles, nombre de personnes requalifiées chaque année, etc.) permettra de mesurer les progrès et d’ajuster les politiques.

3. Intégrer l’IA dans les cursus éducatifs dès que possible : Pour préparer la prochaine génération, il est indispensable que l’intelligence artificielle et la science des données entrent dans les programmes scolaires et universitaires de façon transversale. Cela ne veut pas dire que tous les élèves doivent devenir codeurs en Python, mais qu’ils acquièrent une culture générale de l’IA : comprendre ses principes de base, ses possibilités et ses limites, et surtout apprendre à apprendre face à des technologies évolutives. Les universités devraient également multiplier les doubles compétences (par ex. droit + IA, management + data analytics) pour former des professionnels capables de faire le lien entre technologie et métier. L’investissement dans les compétences STEM (science, technologie, ingénierie, mathématiques) doit être accru, sans négliger les sciences humaines qui apportent esprit critique et éthique – indispensables à une utilisation responsable de l’IA. Par ailleurs, la formation des enseignants doit inclure un volet numérique/IA pour qu’ils se sentent à l’aise d’enseigner ces sujets et d’utiliser eux-mêmes des outils innovants en classe.

4. Valoriser et développer les compétences non techniques (soft skills) : Dans un monde où les machines feront une part croissante du travail, les compétences humaines différenciatrices seront cruciales. Les recruteurs et managers devraient activement valoriser des qualités comme la créativité, la résolution de problèmes, la communication, l’empathie, la collaboration interdisciplinaire. Ces compétences doivent être intentionnellement cultivées à travers la formation et l’expérience professionnelle (par exemple via le travail en mode projet, la rotation sur différents postes, le coaching en leadership, etc.). Un individu flexible, capable de s’adapter aux changements et de se former rapidement, sera un atout majeur pour toute organisation – c’est pourquoi les processus RH devraient autant se focaliser sur le potentiel d’apprentissage que sur les compétences techniques actuelles. Comme l’indique une étude, 7 employeurs sur 10 jugent la capacité de pensée analytique essentielle dès 2025 (5 things HR needs to know from WEF’s 2025 Future of Jobs Report | UNLEASH) : il faut donc encourager cette mentalité analytique et critique chez tous les collaborateurs.

5. Adopter une approche éthique et inclusive de la transformation des compétences : Il est fondamental que la transition se fasse de manière socialement responsable. D’une part, cela implique de ne laisser personne au bord du chemin : les entreprises et États doivent cibler en priorité les populations vulnérables (travailleurs peu qualifiés, seniors dont les compétences datent d’avant le numérique, etc.) dans les programmes de formation. Par exemple, proposer des formations gratuites de remise à niveau numérique, aménager les horaires de formation pour les personnes ayant des obligations familiales, ou encore reconnaître les acquis de l’expérience pour raccourcir les parcours de reconversion. D’autre part, il convient de veiller à la diversité dans les métiers de l’IA – encourager plus de femmes, de personnes de milieux variés à entrer dans ces filières – afin d’éviter que le futur du travail soit façonné par une population trop homogène. Des initiatives comme les bootcamps féminins en IA, les programmes de mentorat pour les minorités dans la tech, doivent être soutenues et amplifiées.

Enfin, l’éthique doit guider l’usage de l’IA dans la gestion des ressources humaines. Par exemple, l’IA peut aider à identifier les besoins en formation ou à personnaliser l’apprentissage des employés, mais son utilisation doit se faire dans le respect de la vie privée et sans biais discriminatoire. Les algorithmes RH déployés (pour trier des CV, évaluer la performance, etc.) doivent être transparents et audités pour s’assurer qu’ils n’accentuent pas involontairement des inégalités. Une gouvernance claire de l’IA en entreprise, incluant les représentants du personnel, peut aider à installer la confiance et à orienter l’IA vers l’augmentation des travailleurs plutôt que leur surveillance intrusive.

En conclusion, l’intelligence artificielle va sans conteste transformer en profondeur les compétences professionnelles dans les cinq prochaines années et au-delà. Cette transformation est déjà en cours, portée par une adoption rapide de l’IA dans tous les secteurs et une mutation des métiers. Elle s’accompagne de bouleversements majeurs, mais offre aussi l’opportunité de réinventer le travail pour le rendre à la fois plus efficace et plus épanouissant – à condition d’y préparer les femmes et les hommes qui le composent. Anticiper (via la prospective des compétences), former (massivement et en continu) et accompagner (humainement, éthiquement) sont les maîtres-mots pour tirer le meilleur parti de la révolution de l’IA. Comme le souligne le Forum économique mondial, près des trois quarts des travailleurs préfèrent se former via leur employeur (Reskilling and upskilling: Lifelong learning opportunities) : il incombe donc aux organisations, en partenariat avec les États, de relever le défi et d’investir dès maintenant dans ce capital humain augmenté par la technologie. C’est à ce prix que l’IA sera non pas une menace, mais une alliée pour l’emploi et les compétences.

Alain Goudey

Imaginer l'Ecole du futur à NEOMA, créer l'identité sonore des marques avec Atoomedia & Mediavea, conseiller sur la transformation numérique avec Sociacom | Expert en éducation, technologies disruptives, IA & design sonore.

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