Sur l’application du gouvernement Agora, a eu lieu du 11 décembre au 18 janvier une consultation citoyenne sur le thème de l’intelligence artificielle. Cette consultation visait à mieux comprendre vos attentes et vos craintes en matière d’intelligence artificielle et notamment d’intelligence artificielle générative. Le texte de la consultation démarrait comme cela :
« L’arrivée progressive de l’intelligence artificielle (IA) dans notre quotidien révèle chaque jour un peu plus son potentiel. Cette technologie permet à des ordinateurs d’apprendre à résoudre des problèmes et à accomplir des tâches de manière autonome. (…) Mais, depuis 2022, des lA particulières se sont rapidement diffusées. Il s’agit des lA génératives (par exemple: ChatGPT, MidJourney ou Stability). Elles permettent de générer du texte, des images ou des vidéos sur la base d’instructions simples à l’écrit ou à l’oral.
L’émergence de ces lA soulève de nombreuses questions, notamment dans les domaines de l’éthique, du travail, de l’économie, de la productivité ou encore de la souveraineté. Une nouvelle étape de cette stratégie nationale s’ouvre. La Première ministre a lancé en septembre 2023 une Commission dédiée à l’intelligence artificielle, composée de 15 membres aux profils variés, afin de tracer les perspectives françaises dans le domaine de l’IA dans les années à venir et éclairer les décisions du Gouvernement.«
A la suite de quoi étaient posées 13 questions fermées ainsi qu’une question ouverte pour un total de 14 questions. Nous allons analyser ici les réponses apportées par 6917 participants à cette consultation.
Consultation intelligence artificielle générative, les premiers résultats
Le premier constat est la faible mobilisation sur le sujet car 6917 participants est peu par rapport aux autres consultations :
- « Participation citoyenne : une appli, vos idées » avec 14 790 participants,
- « Handicap : tous concernés, tous mobilisés » avec 8 578 participants,
- « La France dans l’Europe : quel avenir, quelles priorités ? » avec 10 028,
- « Budget : comment financer la transition écologique ? » avec 10 481,
- « Transition écologique : comment tous se mobiliser ? » avec 16 792 participants.
En fait, c’est la consultation qui a reçu le plus faible nombre de participants. Comme si le sujet n’attirait pas vraiment les foules en dépit de son importance stratégique pour l’individu, les organisations, la société et finalement le pays tout entier.
Quels usages de l’intelligence artificielle générative en France ?
La première question portait sur le niveau d’utilisation des outils d’intelligence artificielle générative. 43% des répondants ont déclaré ne jamais utiliser d’outils d’intelligence artificielle générative. 29% indique parfois pour un usage personnel, et 20% parfois pour un usage professionnel. Ils sont enfin 16% à le faire souvent pour un usage professionnel (et 15% pour un usage personnel). Il y a à parier que ce sont les mêmes !
Pour les répondants, l’intelligence artificielle générative c’est plutôt à 45% une opportunité professionnelle, 37% une opportunité pour la France, 36% une opportunité personnelle, mais aussi source d’inquiétude (personnelle 31%, pour la France 30% et professionnelle 24%). Comme d’habitude, les résultats sont assez ambivalents. On peut toutefois constater un biais de positivité sur l’opportunité professionnelle, compatible avec le mode de collecte de la data (l’appli Agora sur téléphone portable).
Intelligence artificielle générative, les sentiments provoqués
A la question de savoir ce qu’inspire cette technologie d’IA générative, les réponses sont à 68% de la curiosité et tout de suite après à 45% de l’anxiété mais aussi 39% de fascination et 37% d’enthousiasme. Seulement 7% d’indignation et 6% d’indifférence. On retrouve à nouveau la notion d’ambivalence que génère cette technologie.
Du coup, ils sont à 58% à appeler à « Réguler, dès à présent, le développement de l’intelligence artificielle générative, au risque de retarder ou d’empêcher l’émergence d’outils français et européens » ! Qu’il ne faille pas faire n’importe quoi avec cette technologie, c’est évident. La régulation est nécessaire, mais pas de là à retarder ou empêcher l’innovation… d’autres pays ne prendront pas autant de précautions et risque de s’en suivre un décrochage fort. Il faut trouver une voie d’équilibre tout en sauvegardant la capacité d’innovation. Ce point traduit aussi à mon sens le manque de formation : on a forcément peur de quelque chose qu’on ne connaît pas ou qu’on ne comprend pas. Il faut une action massive de formation autour des IA génératives.
IA générative, le rôle de l’Etat
Selon cette étude, L’Etat devrait encourager l’utilisation des intelligences artificielles génératives dans :
- la santé (75%),
- la sécurité (41%),
- la finance (33%)
- l’éducation (32%)
- la justice et les transports (24%).
Sur la questions de la régulation, on retrouve les mêmes thèmes. Il faudrait réguler les IA génératives dans :
- la sécurité (47%)
- la santé (40%)
- l’éducation (40%)
- la justice (37%)
- la finance (28%)
- la culture (22%)
Le domaine des transports ne semble pas devoir bénéficier de régulation (seulement 11% des répondants !). On retrouve néanmoins toute l’ambivalence vis-à-vis de cette technologie dans ces réponses.
Pour les répondants, le Gouvernement doit avancer sur l’intelligence artificielle générative selon les conditions suivantes :
- Informer l’utilisateur sur les données collectées et les conditions de leur traitement (58%)
- Former la population française pour en avoir un usage positif pour la société (de l’école au monde professionnel) (57%)
- Prévoir des recours ou une vérification humaine du traitement réalisé par l’intelligence artificielle (57%)
Le Top 3 des réponses est ici limpide et correspond à ce que je pense de longue date. Tout d’abord, il nous faut rester le plus maître possible de nos données. Il est crucial de former la population française ! Je le répète, c’est fondamental. Enfin, ne pas tout automatisé sans contrôle humain. Quiconque a déjà réellement utilisé de l’IA générative le sait : le risque de biais, hallucinations, erreurs est (encore) élevé !
IA générative et emploi
Sur l’emploi les résultats sont clairs, les répondants n’ont pas peur pour leur emploi. Ils sont respectivement 23% (vs. 64%) et 27% (vs. 58%) à craindre que leur job ne disparaisse ou qu’il soit moins intéressant et dévalorisé. Pour autant ils ne sont que 38% (vs. 41%) à penser qu’il pourrait être valorisé avec l’IA générative.
Les facteurs qui vont favoriser l’usage de cette technologie sont, selon cette étude :
- Une meilleure connaissance des application de l’intelligence artificielle (42%)
- Une explication des bénéfices que je pourrais en tirer (41%)
- Une plus grande confiance dans les outils et le traitement fait des données (37%)
On retrouve aussi bien le fait que les répondants ne se sentent pas en confiance, notamment par manque de connaissance. C’est une action importante à mener et rapidement désormais.
IA générative et service public
Les deux dernières questions quantitatives portent sur le domaine public. Sur ce sujet, 50% des répondants sont d’accord pour dire que le service public peut utiliser de l’IA générative si l’utilisateur peut choisir et donner son consentement à chaque utilisation. Ils sont aussi 49% à appeler des pratiques de collecte et d’utilisation transparentes. Ce point est fondamental aussi : les règles du jeu doivent être particulièrement claires. L’utilisateur doit savoir si c’est une IA ou pas en face de lui. Et l’ambivalence est à nouveau présente ici avec 42% qui souhaitent que la collecte et l’utilisation soient les plus réduites possibles. Enfin, une forme de préférence nationale ou européenne pointe avec le souhait pour 36% que tout ceci repose sur des solutions françaises ou européennes.
Enfin, ils sont 42% à anticiper un effet en mal sur la démocratie à cause des deepfakes et de la génération de contenus biaisés, et seulement 15% à croire à un effet positif vers une meilleure information. Ils sont 36% à indiquer les deux. A nouveau l’ambivalence.
Intelligences artificielles génératives, que retenir de cette consultation ?
Je retiens trois grands points de cette consultation. Tout d’abord l’ambivalence des réponses qui traduit une vraie crainte qu’il faut évidemment comprendre et traiter si l’objectif est de libérer le potentiel de cette technologie pour le pays.
Le deuxième point qui apparaît nettement est l’attente de formation sur ce sujet. Le besoin en volume et en qualité de formation est phénoménal, il faut trouver des mécanismes démultiplicateurs pour toucher un maximum de personnes et expliquer cette technologie.
Le troisième point que je retiens en termes d’attentes est une transparence des règles du jeu : que ce soit sur l’utilisation, mais aussi sur la collecte des données.
Ce sont justement ces trois points que nous avons traité au sein de NEOMA Business School pour développer l’usage de l’IA générative auprès de nos professeurs, de nos étudiants, et plus globalement de toute notre communauté.
2 réflexions sur « Intelligence artificielle générative : quelles priorités ? »