OpenAI a publié une étude sans précédent, basée sur des millions de conversations entre mai 2024 et juillet 2025 (avant la sortie manquée de ChatGPT5). Loin des clichés médiatiques, ce rapport révèle comment 700 millions d’utilisateurs hebdomadaires, soit près de 10 % de la population adulte mondiale, s’approprient ChatGPT.
Les résultats ne se contentent pas de bousculer les idées reçues. Ils redéfinissent le rôle de l’IA dans nos vies, personnelles et professionnelles.
Une adoption fulgurante qui témoigne de l’ampleur de l’usage de ChatGPT
En trois ans à peine, ChatGPT est passé de zéro à 700 millions d’utilisateurs actifs par semaine (juillet 2025). Entre juillet 2024 et juillet 2025, l’audience a été multipliée par cinq !

Jamais une technologie n’avait atteint une telle diffusion en si peu de temps. Même l’adoption du smartphone paraît lente en comparaison. Pour les décideurs, cela signifie qu’il ne s’agit pas d’une tendance émergente mais d’un standard culturel en train de s’installer durablement.
À retenir : l’IA conversationnelle est déjà une pratique de masse, et non un outil réservé aux experts ou aux entreprises. Cela doit être pris en compte dans les démarches de formation et d’accompagnement prévues en entreprise, mais aussi dans les Universités, les Grandes Ecoles ou même le scolaire.
Le paradoxe du non-professionnel : 73 % des usages de ChatGPT sont personnels
L’un des résultats les plus surprenants : 73 % des interactions concernent des usages personnels (juin 2025). Un an plus tôt, ce taux n’était « que » de 53 %.
Autrement dit, plus ChatGPT se diffuse, plus il s’invite dans la vie privée plutôt que dans le travail.

Cela renverse l’idée dominante selon laquelle l’IA serait avant tout un levier de productivité professionnelle. En réalité, c’est un compagnon du quotidien. On y cherche des conseils de santé, des astuces pratiques, de l’aide pour les devoirs, des idées créatives, et même du soutien émotionnel.

Conséquence stratégique : les organisations doivent accepter que la valeur de l’IA se mesure aussi hors du bureau, dans le mieux-être, l’efficacité personnelle et la simplification de la vie. On est du coup assez loin d’un calcul simple de ROI. Dans les usages dont on m’a déjà parlé : conseiller fiscal, conseiller juridique, conseiller santé, confident (psychologue), etc.
Une fracture générationnelle forte dans l’usage de ChatGPT
Des études précédentes le montraient déjà, mais l’étude d’OpenAI met à nouveau en lumière une répartition générationnelle qui parle d’elle-même :
- 18-25 ans : 77,5 % d’usages personnels. C’est ChatGPT qui est d’abord un outil de vie.
- 26-55 ans : usage professionnel autour de 30 %. C’est un équilibre entre travail et quotidien.
- 66 ans et + : seulement 16 % d’usage professionnel. Rien de bien étonnant ici.

La génération Z, en particulier, se distingue. Elle utilise ChatGPT comme un allié permanent, pour apprendre, s’informer, s’organiser, expérimenter. Pas comme un simple outil de productivité. C’est une logique de « sparring partner » qui s’est installée pour cette génération.
Leçons pour les décideurs : ne pas attendre que cette génération « ramène l’IA au bureau », mais plutôt comprendre comment son usage personnel influencera ses attentes professionnelles. Il y a un enjeu assez fort de marque employeur, au même titre que le Bring Your Own Device ou la présence sur Internet à leurs époques respectives.
Trois piliers dominants qui structurent 77 % de l’usage de ChatGPT

L’activité autour de ChatGPT se concentre principalement sur trois grands piliers :
1. Practical Guidance – 28,8 %
Un socle stable autour de 29 % depuis deux ans. Les utilisateurs y voient un conseiller patient et toujours disponible. Dans le détail on trouve ici :
- Tutorat et enseignement : 10,2 %
- Conseils pratiques : 8,5 %
- Santé et bien-être : 5,7 %
- Idéation créative : 3,9 %
C’est un ChatGPT qui devient une boussole quotidienne, et non un simple moteur de réponses rapides.
2. Seeking Information – 24,4 %
L’explosion la plus marquante : de 14 % à 24 % en un an autour de la recherche d’information. C’est le fameux shift du moteur de recherche vers l’usage d’agents IA.
- Informations précises (actu, faits, personnes) : 18,3 %
- Recettes et cuisine : 3,9 %
- Produits et services : 2,1 %
Progressivement, ChatGPT devient un substitut aux moteurs de recherche. Là où Google propose des liens, l’IA propose des réponses contextualisées, personnalisées et synthétiques.
Clé stratégique : les entreprises doivent envisager la manière dont leurs contenus, services ou produits seront trouvés via l’IA, et non uniquement via le référencement classique. Elles doivent apprendre à être « référencées » par un modèle IA. Pas si simple à ce stade car sujet en émergence.

Clé stratégique 2: Il y a un véritable enjeu de qualité de la réponse fournie. C’est le retour du risque majeur d’hallucination des LLM. Ce risque semble ne pas diminuer au fil du temps, en tout cas pas pour l’instant (même si des recherches semblent avoir identifiées la cause racine…).
3. Writing – 23,9 %
La plus grande surprise. Contrairement au mythe du « générateur de textes », ChatGPT est utilisé comme éditeur augmenté.
- 66 % : (ré)édition de textes existants
- 10,6 % : critique de texte
- 8 % : rédaction personnelle
- 4,5 % : traduction
- 3,6 % : résumés ou arguments
- 1,4 % : fiction créative
La valeur réside moins dans la génération brute que dans l’amélioration qualitative des contenus déjà produits par l’humain.
Clé stratégique : Attention ici car rien n’indique l’origine du premier texte : copié/collé d’Internet ? Résultat fourni par une autre IA générative ? Contenu authentiquement humain ? ChatGPT est peut-être un éditeur augmenté d’un autre générateur de texte.
La satisfaction : preuve d’une valeur perçue en hausse de l’usage de ChatGPT
La confiance des utilisateurs envers les réponses fournies progresse assez nettement. Est-ce la qualité des réponses ou bien la baisse de vigilance qui est à l’oeuvre ici ? L’étude se garde bien de le préciser :

- Interactions « bonnes » : de 48 % à 57,8 % en un an
- Interactions « mauvaises » : stables à 13,5 %

Ces bons résultats sont particulièrement distingués dans les catégories suivantes :
- Self-expression : ratio good/bad de 7,86
- Seeking information : 4,75
- Practical guidance : 4,37
En revanche, les usages de production pure (Doing) sont moins satisfaisants (2,76), probablement en raison des erreurs (récurrentes) commisses dans des cas très précis (je pense ici à l’analyse de données, ou encore à la programmation informatique).
Une des valeurs d’usage de ChatGPT réside donc davantage dans l’accompagnement cognitif que dans la substitution mécanique. Faut-il encore que cela reste bien accompagnement et non une substitution cognitive ! C’est ici un point majeur de vigilance collective que nous devons avoir.
Le genre : une bascule inattendue dans l’usage de ChatGPT
Lors du lancement en 2022, ChatGPT était avant tout un phénomène masculin : 80 % des early adopters étaient des hommes, souvent issus des milieux technophiles, de la programmation et de la data science. L’image de l’IA conversationnelle s’est longtemps confondue avec celle d’un « outil de geek ».

Trois ans plus tard, la situation s’est radicalement inversée : en juin 2025, 52 % des utilisateurs actifs sont des femmes. Non seulement l’écart s’est comblé, mais il s’est renversé.
Pourquoi cette bascule ?
- Les usages de rédaction et de conseils pratiques – plus plébiscités par les femmes – se sont imposés comme piliers centraux.
- Les attentes en matière de coaching, organisation personnelle et accompagnement quotidien sont plus alignées avec les usages féminins identifiés.
- À l’inverse, les domaines historiquement masculins, à savoir aide technique, et codage, ont vu leur part décliner fortement.
Cette féminisation rapide démontre que ChatGPT a quitté la sphère technologique pour devenir un outil transversal, ancré dans les usages du quotidien.
L’âge : la génération Z en force
Autre donnée clé : 46 % de tous les messages proviennent des 18-25 ans. Presque un utilisateur sur deux appartient donc à la génération Z.
Pour ces jeunes adultes, ChatGPT n’est pas un outil futuriste ou exotique : c’est un réflexe quotidien comparable à la recherche Google pour leurs aînés.
- Pour les étudiants, ChatGPT sert de tuteur, de correcteur ou de coach de révision.
- Pour les jeunes actifs, il devient un assistant de communication, un aide-mémoire, un générateur d’idées pour leurs projets personnels.
- Pour les adolescents plus jeunes encore (non comptabilisés dans l’étude), l’usage informel et créatif prépare le terrain à une adoption massive (voire à une dépendance massive ?!)
Cela confirme une transformation culturelle : pour la génération Z, l’IA est d’abord personnelle avant d’être professionnelle. Les entreprises devront composer avec cette habitude profondément ancrée lorsqu’ils entreront massivement sur le marché du travail.
Ce que cela dit du travail réel : l’usage de ChatGPT c’est de soutenir la cognition
L’analyse des données professionnelles par la taxonomie O*NET révèle un enseignement clé : ChatGPT soutient avant tout la cognition, pas l’automatisation.
- 45,2 % des usages concernent l’information : obtenir, interpréter, documenter.
- 26,8 % se concentrent sur la décision et la créativité : consultation, réflexion originale, prise de décision.
Autrement dit, ChatGPT ne remplace pas les tâches, il augmente la capacité humaine à comprendre, choisir et créer.
Clé stratégique : C’est moins un « bras robotisé » qu’un partenaire intellectuel.
Pour les décideurs, cela implique de repositionner l’IA : pas seulement comme une machine d’efficacité, mais comme un système de support décisionnel capable de renforcer l’autonomie et la qualité des choix.
Les surprises qui changent la perspective
Le code : une niche, pas un pilier
Alors que beaucoup imaginaient ChatGPT comme l’outil incontournable des développeurs, la réalité est toute autre : seulement 4,2 % des usages concernent la programmation. Pire, cette part décline fortement.
La raison ? Les développeurs se tournent vers des outils vraiment plus puissants et spécialisés (GitHub Copilot, Replit, Cursor, Lovable, etc.) mieux adaptés aux workflows du code. ChatGPT devient donc un acteur secondaire dans ce domaine.
Le diplôme : un facteur déterminant
L’usage professionnel croît fortement avec le niveau d’éducation :
- Sans bachelor : 37 % d’usages pro
- Bachelor : 46 %
- Graduate degree : 48 %
Cela traduit une réalité sociologique : plus la fonction est cognitive et décisionnelle, plus ChatGPT devient pertinent. Les métiers très qualifiés (consultants, cadres, chercheurs) exploitent davantage son potentiel que les professions opérationnelles.
La personnalisation : le vrai levier de valeur
Les données montrent une préférence nette pour les usages « Asking » (poser des questions personnalisées, demander des conseils) par rapport aux usages « Doing » (faire produire des textes ou des tâches automatisées).
- Asking : 49 % des usages
- Doing : 40 %
Clé stratégique : Les utilisateurs ne recherchent pas une machine à produire, mais un conseiller capable de s’adapter à leur contexte.
C’est cette personnalisation, la capacité à répondre de façon ajustée et utile, qui fonde la valeur réelle de ChatGPT. Encore faut-il savoir correctement embarqué ledit contexte dans les demandes pour obtenir des réponses de qualité. L’enjeu de formation me semble toujours majeur !
Implications pour les entreprises : un nouvel outil de support cognitif
L’étude met en évidence un usage principalement orienté vers la collecte, l’interprétation et la documentation de l’information (45,2 %), ainsi que la consultation, la créativité et la décision (26,8 %). Autrement dit, ChatGPT est un partenaire de réflexion plus qu’un exécutant.
✅ Checklist pour les entreprises
- Repositionner l’IA : la considérer comme un outil de support cognitif et décisionnel, pas comme une machine à tâches.
- Former les collaborateurs : développer des compétences d’ingénierie de prompt et de critique des réponses, pour tirer le meilleur parti des conseils générés.
- Capitaliser sur l’édition : investir sur des cas d’usage où ChatGPT améliore la qualité des contenus (rapports, propositions commerciales, documentation) plutôt que dans la production brute.
- Adapter les politiques RH : intégrer le fait que les usages diffèrent selon le genre (écriture, conseils pratiques pour les femmes ; technique pour les hommes) et selon le niveau d’éducation (jusqu’à 48 % d’usages pro pour les diplômés avancés).
- Mesurer le ROI autrement : évaluer la valeur créée non seulement en productivité directe, mais aussi en qualité des décisions, gain de temps cognitif et fiabilité documentaire.
Implications pour les universités et Grandes Écoles : un basculement générationnel et pédagogique
Avec 46 % des messages envoyés par les 18-25 ans, l’étude révèle que la génération Z a déjà fait de ChatGPT un outil naturel d’apprentissage, utilisé surtout à titre personnel (77,5 % des usages). Les usages professionnels restent faibles (22,5 %), ce qui souligne un écart entre la pratique quotidienne et son intégration académique. Voilà de quoi nourrir mes retours critiques sur le rapport IA et enseignement supérieur.
✅ Checklist pour les universités et Grandes Écoles
- Intégrer l’IA dans la pédagogie : utiliser ChatGPT comme un assistant pédagogique encadré (tutorat, reformulation, aide à la compréhension), plutôt que de chercher à le bannir.
- Développer l’esprit critique : enseigner la vérification des sources, la confrontation d’idées et la détection des biais dans les réponses générées.
- Préparer au monde professionnel : former les étudiants à passer du réflexe personnel (apprentissage, créativité, organisation) à un usage professionnel structuré (décision, production éditoriale, recherche).
- Accompagner la génération Z : reconnaître que l’IA est pour elle un réflexe culturel, et l’aider à transformer cet usage spontané en compétence stratégique valorisable sur le marché du travail.
- Positionner l’établissement comme pionnier : faire de l’intégration responsable de l’IA un argument de différenciation dans la compétition internationale entre écoles et universités.