par La semaine 50 concentre six annonces qui, mises bout à bout, dessinent une recomposition continue du paysage de l’intelligence artificielle. Elles touchent à la fois aux fondements technologiques, aux modèles économiques, aux rapports de force industriels et aux nouveaux usages professionnels. Pour les dirigeants, investisseurs et responsables publics, ces signaux faibles et forts méritent une lecture systémique.
L’IA physique entre dans sa phase fondatrice
Longtemps cantonnée au logiciel, l’IA franchit un cap décisif avec l’émergence de ce que les acteurs appellent désormais la physical AI. Robots autonomes, modèles capables de transformer le langage en action, et surtout world models — des systèmes capables de comprendre le monde physique dans sa continuité spatiale et temporelle — attirent capitaux et talents.
Les chiffres sont éloquents : 16,1 milliards de dollars levés en neuf mois en 2025, avec des valorisations record pour Figure AI, Physical Intelligence ou encore le projet Prometheus soutenu par Jeff Bezos. Mais au-delà des montants, le discours des chercheurs est révélateur : la physical AI serait aujourd’hui dans un équivalent du “GPT-1 / GPT-2 moment”, c’est-à-dire au tout début d’un changement de paradigme.
Ce qui rend cette évolution stratégique, c’est son caractère fondamentalement multimodal. Comprendre la force, le toucher, l’espace ou le temps ne relève plus de l’optimisation marginale, mais d’une refondation complète des architectures IA. Pour les décideurs industriels, cela annonce une vague d’automatisation bien plus large que celle du numérique pur : logistique, santé, agriculture, sécurité civile ou défense sont directement concernés.
Disney choisit OpenAI et impose ses règles à Hollywood
Dans un contexte de tension extrême entre créateurs et technologies génératives, Disney a fait un choix clair : s’allier avec OpenAI, tout en attaquant frontalement les autres acteurs jugés non conformes à ses standards de propriété intellectuelle.
L’accord est doublement stratégique. D’un côté, OpenAI obtient l’accès encadré à plus de 200 licences emblématiques (Disney, Marvel, Pixar, Star Wars) pour Sora, avec une diffusion directe sur Disney+. De l’autre, Disney investit 1 milliard de dollars dans OpenAI et déploie ChatGPT en interne.
Le message envoyé au marché est sans ambiguïté : l’IA est acceptable dans la création, à condition que les studios gardent le contrôle total. En parallèle, Disney multiplie les procédures contre Google, Meta, Midjourney ou Character.AI, accélérant une polarisation du secteur.
Pour les dirigeants des industries culturelles et créatives, cette annonce confirme que l’avenir ne sera ni totalement bloqué, ni totalement ouvert : il sera contractuel, asymétrique et dominé par les détenteurs d’IP.
Meta pourrait tourner le dos à l’open source
Autre signal fort : Meta envisage de fermer son prochain grand modèle, surnommé Avocado. Ce serait une rupture historique pour un groupe qui a fait de LLaMA et de l’open source un axe stratégique central.
Cette inflexion intervient après des résultats mitigés de LLaMA 4, des départs massifs de chercheurs, dont Yann LeCun, et une réorganisation interne marquée par des tensions entre vision produit et course aux modèles de frontière. Le recrutement spectaculaire d’Alexandr Wang (ex-Scale AI) et la création du mystérieux TBD Lab illustrent une volonté de rattrapage rapide face à OpenAI, Google et Anthropic.
Pour les décideurs, l’enjeu dépasse Meta : le modèle open source comme alternative stratégique aux hyperscalers est fragilisé. Si Meta renonce, l’écosystème pourrait perdre l’un de ses derniers contre-pouvoirs structurants.
Microsoft investit 17,5 milliards de dollars pour faire de l’Inde un pilier de l’IA mondiale
Microsoft frappe un coup majeur avec le plus grand investissement asiatique de son histoire. L’Inde devient explicitement un champ de bataille central de l’IA mondiale.
Data centers géants, clouds souverains, intégration de l’IA dans des plateformes publiques touchant plus de 310 millions de travailleurs informels, et formation accélérée de 20 millions de personnes d’ici 2030 : l’approche est systémique.
Ce qui rend cette annonce stratégique pour les décideurs internationaux, c’est le positionnement de l’Inde comme double levier : marché colossal et hub mondial de compétences. Malgré des contraintes fortes (énergie, eau, infrastructures), le pays s’impose comme l’un des rares territoires capables de soutenir une industrialisation massive de l’IA.
Google et OpenAI s’affrontent sur le terrain du “low-cost AI”
L’IA devient un produit de masse, et l’Inde en est le laboratoire. Avec un abonnement sous les 5 dollars par mois, Google lance AI Plus pour contrer ChatGPT Go. Les fonctionnalités proposées — modèles avancés, génération vidéo, stockage cloud, partage familial — montrent que la bataille ne se joue plus seulement sur la performance, mais sur la valeur perçue.
Les promotions agressives (abonnements gratuits via les opérateurs télécoms) traduisent une réalité stratégique : celui qui captera aujourd’hui les utilisateurs indiens façonnera les standards globaux de demain.
Pour les décideurs, cette guerre des prix annonce une pression durable sur la monétisation de l’IA, y compris dans les marchés matures.
Anthropic transforme Slack en environnement de développement piloté par l’IA
Enfin, Anthropic franchit un cap avec Claude Code intégré à Slack. Ce n’est plus un simple assistant, mais un agent capable de gérer des workflows complets de développement directement depuis les conversations.
Cette évolution est révélatrice d’un basculement plus large : l’IA ne s’intègre plus seulement dans des outils spécialisés (IDE), mais dans les espaces collaboratifs où se prennent les décisions. Pour les entreprises, cela signifie des gains de productivité potentiellement massifs, mais aussi de nouveaux enjeux de sécurité, de gouvernance du code et de dépendance aux plateformes.
