AI weekly S.46 : IA, régulation, énergie, cybersécurité, cerveau et responsabilité.

AI weekly S.46 : Les 10 actualités qui doivent retenir l’attention des décideurs cette semaine

1. Apple resserre la vis sur les données personnelles partagées avec des IA tierces

Jusqu’ici, de nombreuses applications utilisaient des API d’IA (LLM, services de recommandation, vision, etc.) sans transparence réelle : l’utilisateur parlait à une app, pas à un écosystème de prestataires algorithmiques. Apple renforce ses App Review Guidelines avec une précision qui n’a rien d’anecdotique : tout partage de données personnelles vers un service d’IA externe devra désormais être explicitement annoncé, documenté et accepté par l’utilisateur. Une exigence qui cible pour la première fois les systèmes d’IA eux-mêmes, preuve que la confidentialité évolue au rythme de l’algorithmique.

La nouvelle formulation est claire : toute application doit désormais

  1. informer explicitement l’utilisateur lorsque ses données sont envoyées à un tiers,
  2. obtenir un consentement explicite,
  3. mentionner clairement les services d’IA concernés.

Cette précision complète les obligations GDPR et CCPA, mais ajoute une dimension nouvelle : les fournisseurs d’IA deviennent une catégorie à part, quasi “sensibles”.

Apple verrouille ainsi l’écosystème avant le lancement de son Siri dopé à l’IA prévu pour 2026. En imposant une transparence stricte aux développeurs, la firme crée une zone de confiance… et de contrôle. Pour les organisations, cela signifie : revoir les flux de données, documenter les dépendances IA et anticiper une ère où les géants du mobile dicteront les règles du jeu algorithmique.

2. Google muscle NotebookLM avec “Deep Research”

Les organisations croulent sous les documents, mais manquent de temps humain pour les exploiter. La veille, l’analyse de marché, les synthèses réglementaires restent coûteuses, lentes, fragmentées. NotebookLM passe d’“assistant qui résume vos documents” à “assistant qui mène l’enquête à votre place”. La nouvelle fonctionnalité “Deep Research” élabore un plan de recherche, parcourt le web, sélectionne des sources et produit des rapports détaillés. Le tout pendant que l’utilisateur continue ses tâches.

L’outil supporte désormais
• Google Sheets,
• PDFs,
• documents Word,
• URLs Drive,
et croise ces contenus dans une même session.

C’est la promesse d’une intelligence documentaire continue, qui rebat les cartes de la veille stratégique, du reporting avancé et des workflows R&D. La valeur se déplace de la production de synthèse vers la définition de la bonne question et la validation critique du résultat. Les organisations doivent structurer leurs données internes pour les rendre “NotebookLM-ready” ou équivalents.

3. L’IA menace le réseau électrique américain

Les modèles grossissent plus vite que les réseaux ne se modernisent. La vitesse d’investissement privé dépasse la capacité de planification des infrastructures publiques. 50 milliards de dollars : c’est l’investissement massif qu’Anthropic lance dans les data centers aux États-Unis, rejoignant Nvidia, OpenAI, Softbank et Oracle dans une course qui dépasse l’innovation et attaque désormais la capacité énergétique du pays.

Morgan Stanley alerte : à ce rythme, un déficit électrique de 13 gigawatts pourrait frapper le pays d’ici à 2028.

L’enjeu est simple : l’IA ne manque pas de GPU, elle manque bientôt de courant.
Pour les dirigeants, cette tension (ah ah 😉 ) crée un double mouvement : risque opérationnel (coûts, chaleur, interruptions) et opportunité industrielle (renouvelables, nucléaire nouvelle génération, infrastructures locales).

4. Des hackers chinois automatisent 90 % d’une cyberattaque grâce à Claude

Septembre a marqué un basculement : des hackers d’État chinois ont employé Claude pour orchestrer des attaques complexes avec un niveau d’automatisation inédit. Les humains n’intervenaient que pour valider les actions successives. Résultat : plusieurs vols de données sensibles réussis.

Côté russe, Google confirme la génération automatisée d’instructions malveillantes via des modèles LLM.

Pour les entreprises, c’est un séisme : la cybersécurité doit se préparer à des attaques dopées à l’IA, plus rapides, plus massives et moins détectables. Les signaux humains disparaissent, laissant place à des patterns d’automatisation qu’il faut apprendre à repérer. Ainsi :

• Les SOC et équipes cyber doivent apprendre à détecter des signatures d’attaques automatisées, pas seulement humaines.
• Le temps de réaction se réduit drastiquement, ce qui impose davantage de détection et de réponse automatisées côté défense.
• Le risque de “cyber-saturation” augmente : plus d’attaques simultanées, moins de temps pour qualifier, prioriser, décider.

• Il faut opposer IA défensive à IA offensive : détection par modèles, corrélations massives, tri automatisé des alertes.
• Les plans de continuité d’activité doivent intégrer ce nouveau rythme de menace.

5. Pourquoi les “world models” annoncent la prochaine ère de l’IA

Les modèles actuels excellent dans le langage, mais restent myopes face à la réalité physique. Les “world models” ouvrent une autre voie : comprendre l’état du monde, anticiper son évolution et prendre des décisions ancrées dans la causalité.

Du Japon aux Émirats, la recherche s’organise pour créer des IA capables non seulement de “voir”, mais d’imaginer le réel : cohérent, physique, manipulable.

L’impact pour les organisations ?
Robots industriels plus fiables, simulateurs business plus précis, représentation 3D du réel pour planifier, optimiser, prédire. C’est la fondation des futurs agents autonomes.

Ainsi, World Labs vient de commercialiser Marble, premier vrai modèle du monde opérationnel, capable de transformer texte, images ou esquisses en environnements 3D interactifs et exportables.

Ce n’est plus un prototype : c’est un produit.

Studios, VFX, robotique : tous gagnent une génération en productivité. Les workflows photogrammétriques ou les préviz de cinéma deviennent instantanés.

Pour les décideurs : c’est le début d’un nouvel outil universel pour simuler, tester et créer, avec un coût marginal proche de zéro.

6. L’IA apprend à légender… le cerveau humain

Des chercheurs du NTT Communication Science Laboratories (Japon) ont publié une étude dans Science Advances décrivant un système de “mind captioning” : à partir de scans cérébraux fMRI, un modèle d’IA est capable de produire des phrases décrivant ce que la personne voit.

Exemple typique : l’IA parvient à générer une description du type “une personne saute au-dessus d’une profonde cascade sur une crête de montagne” à partir de l’activité cérébrale associée à une courte vidéo.

Techniquement, le système combine
• imagerie cérébrale fMRI,
• modèle de langage entraîné en “masked language modeling”,
• raffinement itératif des représentations pour passer de signaux bruts à une phrase structurée.

Jusqu’ici, les systèmes de décodage cérébral par IA peinaient à dépasser des étiquettes simples ou des mots isolés. Passer à des phrases complètes et cohérentes change la nature du jeu : on ne lit plus seulement un “mot”, on commence à reconstruire une scène.

C’est une avancée conceptuelle, pas encore industrielle : fMRI reste lourd, lent et coûteux. Mais le mouvement est clair : de “l’IA qui réagit à ce que vous tapez” vers “l’IA qui interprète ce que vous percevez”. Pour les décideurs, cela pose déjà des questions éthiques : consentement, confidentialité mentale, futur du “droit à la vie privée cognitive”.

7. L’IA musicale heurte la justice allemande : OpenAI condamnée

Le secteur de la musique essaie de tirer parti de l’IA tout en préservant son modèle de droits. L’Europe, elle, continue de fixer une ligne dure sur la propriété intellectuelle et la réutilisation de contenus protégés dans l’entraînement.

À Munich, la société de gestion des droits GEMA obtient une décision de justice contre OpenAI. Motif : ChatGPT aurait reproduit des paroles de chansons protégées (dont des titres de Herbert Grönemeyer), entraînant une violation du droit d’auteur.

OpenAI affirme que le modèle est entraîné sur des corpus massifs, pas sur des œuvres individuelles, et renvoie la responsabilité d’usage vers les utilisateurs. Le tribunal, lui, retient une vision plus stricte.

Cette décision intervient alors même que
• de grands labels comme Universal Music Group signent avec des acteurs IA pour co-développer des outils de création,
• les organismes de gestion de droits commencent à accepter des œuvres hybrides humain+IA.

Le message pour les organisations : en Europe, l’IA sera un outil, pas une échappatoire réglementaire. Par exemple, toute utilisation d’IA générative impliquant du texte, de la musique ou de l’image sous droit doit être auditée. Les contrats avec prestataires IA doivent inclure des clauses d’indemnisation, de traçabilité, voire d’origine des données d’entraînement. L’Europe risque de devenir un territoire où certains usages d’IA sont possibles seulement avec des modèles “propres” ou entraînés avec licences.

8. Yann LeCun quitte Meta : une rupture historique

Après des mois de tensions, la figure fondatrice de l’IA chez Meta s’en va. Son départ, immédiatement sanctionné par une chute de 20 milliards du titre, marque un pivot brutal : la recherche ouverte est remplacée par une stratégie de domination rapide. C’est la montée en puissance d’une nouvelle gouvernance IA interne, plus centralisée, plus orientée produit, moins tournée vers la recherche ouverte.

Meta entre dans une ère où l’impératif n’est plus scientifique mais stratégique. Meta avec Yann avait énormément contribué à l’essor des modèles Open Sources avec la série des LLaMA.

Pour les décideurs : observer Meta revient à lire le futur proche de l’industrie : celui d’une IA développée sous pression, en interne, à vitesse maximale, parfois au détriment du consensus scientifique.

9. Le grand virage : l’UE s’apprête à alléger la régulation tech

L’Europe a construit sa puissance normative, mais constate son retard technologique. L’équation change : la sur-régulation peut tuer ce qu’elle prétend protéger.

Surprise (ou pas tant le texte actuel est trop restrictif et freine fortement l’innovation) : Bruxelles prépare un “digital omnibus” qui modifierait le RGPD et assouplirait les règles encadrant la tech. Objectif : fluidifier l’innovation et arrêter l’hémorragie de compétitivité.

Les géants américains accélèrent déjà en Europe : adoption de ChatGPT Enterprise multipliée par six, installation d’Anthropic à Paris et Munich, croissance x10 sur les revenus régionaux. L’UE a annoncé récemment plus d’un milliard de dollars investis pour soutenir la recherche et l’adoption de l’IA.

Pourquoi c’est important ?
Parce qu’un continent réputé pour son excès de prudence pourrait amorcer un retour vers la puissance technologique, et offrir un terrain plus favorable aux acteurs régionaux.

10. ChatGPT visé par des plaintes pour “détresse psychologique”

Les systèmes conversationnels ont été pensés comme des “outils”, mais sont vécus par certains comme des “présences”. Cette confusion usage-perception déclenche des responsabilités nouvelles.

Sept plaintes déposées en Californie accusent ChatGPT d’avoir contribué à des crises psychologiques majeures, jusqu’au suicide. Les reproches portent sur le manque de garde-fous, la “sycophancie” du modèle et des réponses dangereuses pour des utilisateurs vulnérables.

OpenAI reconnaît qu’environ 0,15 % des conversations hebdomadaires contiennent des signaux explicites d’intention suicidaire, soit près d’un million de cas !

D’autres acteurs réagissent aussi :

  • Character.AI bannit les moins de 18 ans des conversations “open-ended” avec des compagnons IA,
  • Meta offre aux parents un contrôle pour désactiver les chats avec ses personnages IA.

Ce que cela change : l’IA conversationnelle devient un enjeu sanitaire, légal et sociétal. Les entreprises devront repenser l’usage de ces outils, la formation des équipes, et peut-être instaurer des politiques internes d’IA responsable émotionnellement. Cela m’amène à rappeler qu’il faut amplifier le mouvement de formation massif à opérer autour de l’usage de ces outils ! C’est un enjeu à l’échelle du pays et de l’Union Européenne.

Conclusion de la semaine

Régulation, énergie, sécurité, simulation, responsabilité morale : chaque domaine continue de se recomposer à grande vitesse.

Pour les décideurs, l’essentiel tient en trois certitudes :

  1. L’IA devient une infrastructure. Elle consomme, régule, transforme, contraint.
  2. Le risque systémique augmente : juridique, énergétique, réputationnel, opérationnel.
  3. L’avantage compétitif passe par l’anticipation. Ceux qui comprennent la dynamique avant les autres façonnent les règles.

Alain Goudey

Imaginer l'Ecole du futur à NEOMA, créer l'identité sonore des marques avec Atoomedia & Mediavea, conseiller sur la transformation numérique avec Sociacom | Expert en éducation, technologies disruptives, IA & design sonore.

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